Une nouvelle réforme de l’accès aux études de santé devrait « aboutir rapidement, si possible à la rentrée 2026 », annonce Philippe Baptiste, ministre chargé de l’ESR, le 26 mars 2025 devant le Sénat. Il était auditionné avec le ministre de la Santé et de l’Accès au soin, Yannick Neuder, par deux commissions à la fois : celle des affaires sociales, et celle dédiée à la culture, l’éducation, la communication et le sport.
En effet, la réforme de 2020 a fait l’objet d’un rapport « en demi-teinte » de la Cour des comptes en décembre 2024, qui défend la mise en place d’une seule voie d’accès. À la suite de cette publication, un groupe de travail (1) au sein de la commission des affaires sociales du Sénat a été formé et entend proposer « des perspectives d’évolution rapide ». Ses conclusions sont attendues « au 1er semestre 2025 », d’après le site du Sénat. Lors de ses vœux à la communauté fin janvier, le ministre Philippe Baptiste avait indiqué prévoir de « rouvrir la question de la formation au métier du soin et de la santé ».
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Des annonces imminentes sur la médecine
« Nous souhaitons aller le plus vite possible, le plus haut possible, avec un concept de ‘former plus, former mieux' », soutient de son côté Yannick Neuder, qui souhaite au préalable faire atterrir deux autres réformes : celle sur les Padhue et la 4e année d’internat de médecine générale, avec des annonces qui pourraient avoir lieu le vendredi 28 mars lors du congrès annuel de médecine générale, dit-il.
Si les deux ministres ont évoqué des pistes de réflexion concernant la future réforme de l’accès aux études de santé, ils disent vouloir attendre les conclusions du groupe de travail du Sénat avant d’aller plus loin, avec également le lancement prochain d’une « phase de concertation avec toutes les parties prenantes ».
Vers plus de simplification et d’homogénéité…
Pour Philippe Baptiste, la réforme de 2020 a certes montré ses « limites » et dispose de « marges de progressions importantes », mais elle a tout de même engendré des réussites. Par exemple, le nombre de places ouvertes en études de santé a augmenté, en particulier en médecine : 8 700 places ouvertes en 2017 à 11 000 par an actuellement, « sans baisser le niveau d’exigence », affirme-t-il. Ainsi, le « taux d’accès des néo-bacheliers est passé de moins de 20 % à 30 % », et les redoublements ont « chuté de manière drastique ». « La diversification des profils a aussi marché, au moins en première année de LAS », soutient-il. Un changement loin d’être « significatif », tempère de son côté Yannick Neuder.
En revanche, le ministre chargé de l’ESR reconnaît que l’hétérogénéité des pratiques entre les universités « est devenue trop grande et nuit à la lisibilité du système. C’est probablement l’un des enjeux majeurs qu’il faut corriger. Cela vaut tant pour les modalités de sélection que la diversité des parcours ». Il reconnaît également une forte diversité des pratiques sur les épreuves orales et « les critères des algorithmes de sélection » locaux pour les classements.
Autre problème : les taux d’admission des LAS sont « insuffisants » et le Pass est devenu la « voie majoritaire qui reproduit l’idée d’une voie royale [l’ancienne Paces], alors que c’était justement ce que la réforme devait nous permettre de dépasser ».
… Sans forcément aller sur une voix unique
Ainsi, « à titre personnel », Philippe Baptiste plaide pour « la simplification et l’harmonisation du système actuel ». Ainsi, plutôt que de rechanger le système pour aller vers une voie unique, comme le demandent la Fage ou la Cour des comptes, « je souhaite que nous travaillions sur un modèle unique d’organisation de l’accès aux études de santé, en gardant le principe de parcours diversifiés. […] Nous avons beaucoup à apprendre des modèles d’organisation qui ont été mis en place dans les différents territoires. »
Il exclut aussi de revenir au système antérieur. « Ce serait renoncer aux avancées réalisées ces dernières années, et continuer de gâcher un grand nombre de bons étudiants », qui pouvaient se retrouver sans solution après avoir raté une deuxième fois le concours de la Paces. En revanche, « il faudra probablement limiter le nombre de double-parcours possibles à quelques disciplines qui font vraiment sens avec les études de santé ». Une proposition aussi émises par les doyens de santé.
Revenir sur la possibilité de redoubler ?
Si Philippe Baptiste a souligné à plusieurs reprises des avancées dues à la réforme, Yannick Neuder s’est montré bien plus critique tout au long de l’audition, en affirmant d’emblée ne jamais en avoir été « fan », notamment sur la pluralité des disciplines proposées dans les majeur/mineur de LAS et de Pass. D’ailleurs, il plaide pour que la future réforme permette de nouveau de redoubler sa 1re année, bien qu’il reconnaisse que le redoublement important du temps de la Paces puisse être problématique pour les universités.
« Je souhaite qu’on passe à un examen et qu’on arrête cette sélection. Savoir à quel niveau on met l’examen, ça dépend du territoire, des capacités des universités, etc. », dit-il. Une position qui rejoint une proposition de loi qu’il a lui-même déposée lorsqu’il était député (Les Républicains), adoptée à l’Assemblée nationale le 7 décembre 2023 et dont le passage devant le Sénat est prévu le 19 mai prochain. L’article 1er propose ainsi de « rénover » le numerus apertus et « de rendre enfin effective la suppression du numerus clausus« .
Les capacités d’accueil des formations universitaires ne sont cependant pas extensibles à l’infinie. « On peut, à coup marginal sur les premières années, pousser les murs car nous disposons de beaucoup de dispositifs numériques. C’est plus compliqué sur les années suivantes », en raison de l’organisation des stages, met en garde Philippe Baptiste.
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Rapatrier les jeunes partis à l’étranger
En finir avec les numerus est aussi, pour Yannick Neuder, une réponse visant à « rapatrier » les étudiants partis faire leurs études dans d’autres pays, a-t-il expliqué sur franceinfo le 24 mars dernier. En effet, « la réforme Pass/LAS a accéléré les départs à l’étranger », insiste le ministre auprès des sénateurs, d’autant que « certains pays viennent démarcher nos étudiants ». Ainsi, « on voit des pays (Suisse, Allemagne, Maroc) qui sont dans un système de dumping. Ils contactent nos étudiants en Roumanie pour leur proposer de s’installer chez eux, en leur rachetant leurs années d’études et les bourses données par les collectivités locales ». Il mentionne aussi de cas d’étudiants partis étudier à l’étranger et qui utilisent le système Erasmus pour venir exercer dans un hôpital français.
« Aujourd’hui, 54 % des dentistes inscrits à l’ordre ont fait leurs études à l’étranger. Nous n’avons plus de souveraineté de la formation », dit-il, en insistant sur d’autres chiffres : aujourd’hui, le nombre de médecins en France est semblable à celui des années 1970, « alors que nous sommes 15 millions de plus, avec le développement de la comorbidité et une population vieillissante ». Il souligne par ailleurs que le « rapport au travail a changé : il n’est pas rare aujourd’hui de voir les professionnels exercer quatre jours par semaine ». Ainsi, il estime que pour un médecin qui part aujourd’hui à la retraite, il y a besoin de 2,3 personnes pour le remplacer.
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Diversifier les lieux de formation et de stages
Les ministres comme les sénateurs ont beaucoup insisté sur le fait qu’un jeune issu d’un milieu rural a plus tendance que des urbains à exercer en zone rurale. « On voit bien qu’il y a une différenciation territoriale importante, car on ne s’installe pas dans un territoire qu’on ne connaît pas », selon Yannick Neuder. « Il faut voir comment, dès le 1er cycle d’études en santé, on peut permettre aux étudiants de ne pas faire toute leur carrière à l’hôpital. » « Il faut réfléchir à élargir les offres de stages, nous aurons des propositions dessus », explique également Philippe Baptiste, qui estime que l’un des effets positifs de la réforme est l’augmentation du nombre d’antennes d’universités avec une composante santé. « 75 % des départements proposent aujourd’hui une 1re année de formation en santé. »
Les deux ministres mettent ainsi en avant le rôle que peuvent avoir les campus connectés, surtout dans les départements dépourvus de faculté de santé. « Les étudiants n’y réussissent pas moins bien. Nous pouvons réfléchir à une première année délocalisée au niveau des territoires, en virtuel ou avec des degrés de présentiel », soutient le ministre de la Santé et de l’Accès au soin.
Cet article est une reprise de la Dépêche n° 728886 d’AEF Info.

Crédit : Ani Kholleshi