Récemment devenu président de la CDEFI, (Conférence des Directeurs d’Écoles Françaises d’Ingénieurs), Emmanuel Duflos revient sur les grands enjeux des écoles d’ingénieurs françaises.

Par Valentine Dunyach

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Après avoir assumé deux mandats à la tête de l’École centrale de Lille, Emmanuel Duflos a pris la direction générale de l’EPF en mars dernier, puis la présidence de la CDEFI (Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs) au mois de juin.  

Accompagné d’un bureau et de quatre vice-présidents, le nouveau président de la CDEFI dispose d’une puissante équipe pour l’aider à faire appliquer les grands axes stratégiques, dessinés en septembre dernier face à la presse. En effet, dès sa prise de fonctions, Emmanuel Duflos annonçait comme premier souhait, comme il nous le rappelle dans un entretien accordé à Thotis, « de faire reconnaître le diplôme d’ingénieur au niveau européen ». Une volonté ayant pour finalité d’ouvrir davantage de portes professionnelles aux ingénieurs diplômés des écoles membres. 

Depuis son arrivée à la tête de la CDEFI, il se donne plus globalement pour mission de « porter la voix des écoles d’ingénieurs et de les faire connaître auprès des jeunes étudiants. », comme il le souligne lors de notre échange. 

 

Baisse du vivier de candidats scientifiques, faible taux de filles et de boursiers… La CDEFI face à différentes problématiques d’attractivité

Le successeur de Jacques Fayolle (directeur de l’École des Mines de Saint-Étienne) à la présidence de la CDEFI ne manquait pas de rappeler, à l’occasion d’une conférence de presse tenue en septembre dernier à Paris, les grands défis auxquels les écoles d’ingénieurs membres de la CDEFI sont aujourd’hui confrontées. Il rappelle : « Nos écoles d’ingénieurs sont au cœur des transformations écologiques, numériques et technologiques. »

Alors que les enquêtes internationales des TIMMS et PISA soulignent régulièrement le retard considérable des jeunes Français en mathématiques, un récent rapport (datant de septembre 2023) du CSEN (Conseil Scientifique de l’éducation nationale) vient appuyer l’alerte faite quant au niveau en mathématiques des élèves en classe de 6ème. 

Face à ce constat et face à la baisse du vivier en école d’ingénieurs, Emmanuel Duflos constate les effets néfastes des réformes engagées ces dernières années. En effet, selon lui, ceci est « le résultat de nombreuses réformes successives, au collège comme au lycée. ».  Les CPGE (Classes préparatoires aux grandes écoles) connaissent, elles-aussi, une diminution historique de leur attractivité auprès des lycéens. Étant naturellement très liées au vivier des écoles d’ingénieurs, elles constituent  1 /3 des effectifs en écoles d’ingénieurs. 

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Les Écoles d’ingénieurs

Communiquer sur le métier d’ingénieur, l’une des solutions pour attirer des candidats 

Constatant l’abandon des enseignements scientifiques au lycée par de nombreux élèves, il serait selon lui nécessaire d’adapter le cursus à l’entrée des écoles d’ingénieurs membres de la CDEFI. Il apporte une autre solution concrète face à la baisse du niveau des candidats français. Selon lui, il est nécessaire de répondre à la baisse du vivier à la diversification des recrutements. Il explique ainsi qu’un étudiant qui a fait moins de physique ou de mathématiques doit pouvoir intégrer une école d’ingénieurs. 

 

Redonner le goût du métier d’ingénieur, une ambition de long terme selon Emmanuel Duflos 

Convaincre des profils d’étudiants plus « atypiques » n’est pas simple. Emmanuel Duflos précise que cette volonté d’élargissement du vivier « ne se fera pas sans difficulté », ni sans un appui financier de l’État. C’est notamment pour cette raison qu’il réitère son appel à davantage de contributions, pour permettre ces évolutions. Afin d’attirer davantage de boursiers, le président de la CDEFI rappelle par ailleurs la solution de l’auto-financement par l’apprentissage, pour les étudiants qui le souhaitent. 

En moyenne, seulement 28 % des étudiantes composent les bancs des écoles d’ingénieurs en France. Si des actions de sensibilisation  (TechpourToutes, EllesBougent, CapIngénieuses…) sont menées par les écoles d’ingénieurs depuis plusieurs années pour attirer les jeunes filles vers cette profession, elles sont loin d’être suffisantes. 

Emmanuel Duflos a ainsi pour ambition, avec la CDEFI, de permettre aux jeunes élèves qui le souhaitent, dès le plus jeune âge (écoles primaires et collèges), de pouvoir suivre des enseignements scientifiques, loin des préjugés de genre. Il explique ainsi la nature de cet enjeu, s’articulant sur le temps long : « Redonner le goût des sciences des programmes aux élèves, dès l’école primaire, représente un enjeu de long terme. ». 

En lien avec cet article, retrouve notre échange avec Jacques Fayolle, ancien président de la CDEFI

“Les ingénieurs sont les médecins du monde” – Rencontre avec le président de la CDEFI 

Emmanuel Duflos entend répondre à cette baisse du vivier de plusieurs manières 

Face aux besoins de l’Industrie, Emmanuel Duflos souligne l’importance de former de nouveaux ingénieurs et ingénieures en France. Pour ce faire, il est indispensable, à ses yeux, de mieux communiquer sur le métier d’ingénieur et de diversifier le recrutement. Il tient ainsi à rappeler : « Le métier d’ingénieur est passionnant et non-genré » 

Conscient de la présence d’une quête de sens au cœur du parcours de nombreux étudiants, le président de la CDEFI rappelle au cours de notre échange comment le fait de devenir ingénieur, au travers des sciences et des technologies, peut permettre de s’orienter vers un monde plus durable. 

Pluriel et diversifié, le métier d’ingénieur promet des débouchés dans des secteurs variés, prenant en compte les différentes transitions : environnementales, technologiques et sociétales. Il soutient ainsi son propos : « Quand on voit les besoins que l’on a dans la société, dans les entreprises avec un enjeu de développement durable (…), l’ingénieur va être au cœur de tout ça. ». 

 

Faire la distinction entre une “école d’ingénieurs” et une “école d’ingénierie”, une nécessité

Emmanuel Duflos tient à rappeler la diversité offerte par les écoles membres de la CDEFI, en termes de cursus. Un étudiant intégrant une école d’ingénieurs peut ainsi suivre un Bachelor afin de devenir Assistant ingénieur, comme un parcours d’expertise à travers un Doctorat. 

Il juge également judicieux de distinguer une école d’ingénieurs et une école d’ingénierie auprès des familles des élèves est important, selon Emmanuel Duflos. Il explique : « Au delà de la richesse de leur programme, les écoles d’ingénieurs délivrent une qualité en termes de formation et possèdent des locaux adaptés à l’enseignement et à la recherche. Nos écoles sont évaluées par des critères précis et des commissions de labels de qualité (CTI). » 

Aux yeux du président de la CDEFI, cette vigilance accrue en incombe à l’État français. Ainsi, face à l’arrivée d’acteurs à l’appellation « écoles d’ingénierie », non-reconnus par l’État et la profession, non-labellisés et lucratifs, Emmanuel Duflos demande un travail de clarification auprès du Gouvernement. 

Pour Emmanuel Duflos, le risque pour les familles est celui de financer des études n’offrant aucune voie vers l’employabilité : « Nous demandons à l’état d’être garants de cette qualité, pour qu’il y ait un métier à l’arrivée », conclue-t-il. 

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Crédit : Thisisengineering x Thotis