Le 25 avril, Thotis s’est rendu au Grand Palais à l’occasion de la 8ᵉ édition de ChangeNow, un rendez-vous international consacré aux solutions face à l’urgence climatique, 10 ans après l’Accord de Paris. Durant trois jours, l’événement a rassemblé plus de 40 000 participants, 10 000 entreprises et 500 intervenants issus de 140 pays, autour d’ateliers, de conférences, de rencontres et d’expositions artistiques.

Par Valentine Dunyach

Dans un contexte mondial fragilisé, où les tensions géopolitiques s’intensifient et remettent en cause les engagements climatiques, une question centrale émerge : quel rôle les écoles de commerce peuvent-elles jouer pour devenir de véritables moteurs de la transition écologique ?

Présents lors de la deuxième journée, nous avons assisté à plusieurs entretiens sur les enjeux environnementaux et échangé avec des dirigeants d’établissements d’enseignement supérieur européens. Une table ronde en particulier s’est penchée sur le rôle des business schools dans l’accompagnement de leurs diplômés vers un engagement concret en faveur de la transition écologique et sociale.

C’est à travers ces prises de paroles ainsi que nos échanges avec les directeurs et doyens d’institutions telles que HEC Paris, IMD, IE Business School ou encore l’INSEAD que nous avons exploré cette problématique. Découvrez notre analyse dans cet article.

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DG sur Écoute avec Eloïc Peyrache (HEC Paris) – Le contexte géopolitique actuel, une opportunité pour le recrutement étudiant à HEC Paris

Le pouvoir des business schools pour agir contre le changement climatique, avec HEC Paris, IE Business School, IMD et INSEAD

Puissance et influence du réseau alumni, développement de formations interdisciplinaires, thématiques axées sur la TSE parmi les programmes des doctorants… Les business schools forment les leaders de demain, en intégrant l’enjeu environnemental.

Sur l’une des scènes de l’un des balcons du Grand Palais, quatre directeurs de grandes écoles européennes ont discuté de leur rôle face au changement climatique. Au-delà des programmes, ils ont pointé les débouchés dans des secteurs parfois en contradiction avec les valeurs TSE qu’ils défendent, notamment dans la finance, où les engagements environnementaux restent inégaux.

Hybridation des compétences : placer d’autres disciplines au cœur des business schools

Les business schools intègrent de plus en plus des contenus à forte dimension scientifique et prennent à bras-le-corps les enjeux environnementaux. Cette évolution marque un tournant : elles deviennent ainsi des lieux où la technologie, la science, mais aussi les sciences politiques prennent une place centrale. Il ne s’agit plus uniquement de proposer des doubles diplômes hybrides, mais de relever ensemble les grands défis actuels en collaboration avec les autres établissements spécialisés.

La demande pour des formations hybrides, alliant management et disciplines telles que la durabilité, explose par ailleurs, portée par les attentes des entreprises.

David Bach, Président de IMD, souligne que “la multidisciplinarité permet de concevoir des programmes mieux adaptés, nourris par la recherche, capables d’accompagner la transformation de la supply chain. Plus que jamais, nous avons besoin de résilience (ndlr. résilience économique).”

Il insiste également sur l’importance d’un engagement collectif, pour que la stratégie éco-responsable d’un groupe fonctionne : “Tous les collaborateurs d’une entreprise doivent se sentir concernés par le changement climatique, pas uniquement le CEO à travers une posture stratégique ou marketing.”

Francisco Veloso, Directeur général de l’INSEAD, abonde : “L’un des grands défis est de bâtir des entreprises véritablement engagées.”

Lee Newman, Dean de IE Business School, ajoute : “Il est essentiel de former la nouvelle génération à ces enjeux, car elle sera actrice des solutions. Il faut s’aligner sur ses aspirations et s’assurer que les enseignants soient aussi bien préparés. La clé, c’est l’adaptabilité. Je n’aime pas parler de “soft skills” : ces compétences sont fondamentales, au même titre que les autres.”

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HEC Paris

Vers une pédagogie orientée solutions, en phase avec les besoins des entreprises

Éloïc Peyrache, Directeur général et Dean d’HEC Paris, l’affirme : “Les grandes business schools européennes ont une approche pédagogique résolument tournée vers la recherche de solutions.”

Cette connexion étroite avec le monde économique permet selon lui de mesurer rapidement l’impact des actions et d’ajuster les méthodes d’enseignement : “Nous élaborons des solutions en collaboration avec les acteurs économiques, ce qui nous ancre dans le réel et répond concrètement aux attentes des entreprises.”

L’un des principaux défis, selon lui, est d’enseigner aux étudiants non seulement l’actualité des enjeux, mais aussi leur historique, leurs causes et leurs conséquences, de manière rigoureuse et chiffrée -sur les plans économique comme scientifique : “Bien que nous soyons une business school, il est essentiel d’aborder la question climatique sous un angle scientifique, et pas uniquement économique.”

Former des managers adaptatifs, capables de connecter les expertises pour co-construire des solutions

Pour Éloïc Peyrache, la mission d’une grande école comme HEC Paris est de former des managers aptes à repérer les opportunités et à relier entre eux des acteurs aux profils variés, capables de créer et faire avancer les projets.

“L’enjeu est de co-construire des solutions avec des experts aux parcours de vie et professionnels très divers. C’est précisément ce que nous faisons à travers un événement comme ChangeNow”, souligne-t-il. Et d’ajouter : “Autrefois, nous estimions que certaines questions ne relevaient pas de notre champ d’action et nous les laissions à d’autres ; écoles d’ingénieurs, instituts de sciences politiques, etc. Aujourd’hui, il devient essentiel de collaborer au sein même de nos établissements sur des sujets que nous externalisions ou négligions auparavant.”

Approfondir les cours dédiés à l’environnement, lancer sa propre entreprise en sortie d’études… Les attentes des étudiants évoluent au fil des générations

Pour Fernando Veloso, les étudiants en grande école de management sont conscients d’utiliser les codes du capitalisme pour répondre aux enjeux climatiques. Ils y voient aussi l’opportunité d’être part intégrante de la solution dans cette lutte et de changer les choses de l’intérieur (des grandes entreprises) ou de devenir acteurs de la solution, en étant entrepreneurs et en fondant leur propre entreprise, avec des valeurs différentes et alignées avec les enjeux contemporains.

À découvrir : (VIDÉO) l’épisode de DG sur Écoute avec Eloïc Peyrache, directeur général et doyen d’HEC Paris !

Après des formats comme la Fresque du Climat ou l’Atelier 2Tonnes, de nouvelles approches, plus concrètes, sont attendues par la nouvelle génération

“Il y a six ou sept ans, les étudiants étaient enthousiastes à l’idée de participer à la Fresque (du Climat). Il y a trois ans, ils arrivaient déjà bien informés, avec une posture plus mature, et attendaient davantage de leur école. Une véritable évolution de profil étudiant s’est opérée”, observe le DG et Doyen d’HEC Paris.

“La prochaine étape est de développer des cas plus complexes et ancrés dans le réel, intégrant par exemple les limites planétaires ou scientifiques”, conclut-il.

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Anne-Fleur Goll, une alumni d’HEC Paris engagée dans la lutte contre le changement climatique

Anne-Fleur Goll, diplômée d’HEC Paris, incarne une nouvelle génération d’alumni engagée pour le climat. Lors de sa remise de diplôme en juin 2022, elle avait exprimé son “profond malaise” face à l’idée que les carrières vers lesquelles mènent ses études contribuent largement à “l’effondrement environnemental”.

Après HEC, elle rejoint le cabinet Deloitte dans le secteur de la finance, avec l’ambition de “changer les choses de l’intérieur”. Elle se définit comme consultante en finance climatique et activiste, et affirme : “Je souhaite lutter contre le changement climatique à travers toutes mes activités ; c’est mon angle de travail dans tout ce que j’entreprends”.

Membre du collectif Extinction Rebellion, elle combine engagement professionnel et action citoyenne pour sensibiliser médias et entreprises. À ses yeux, il est essentiel d’avoir “le courage de ne pas promouvoir des entreprises qui refusent de s’engager” et de repenser la formation des futurs dirigeants, afin qu’ils ne soient pas les prochains CEO d’entreprises polluantes.

Pour le DG et Doyen d’HEC Paris : “Les alumni inspirent leurs écoles et modifient les entreprises dans lesquelles ils entrent. Nous créons des communautés qui vibrent d’innovation, de leaders qui insufflent le changement, au sein de l’école qu’ils ont suivie et à l’extérieur.”.

Crédit : Valentine Dunyach