Dans la jungle de l’orientation, certains acteurs privés lucratifs profitent de la méconnaissance des familles pour proposer des formations non reconnues. Comment s’y retrouver parmi les différents labels et certifications de l’enseignement supérieur ? Comment déterminer si une formation est qualitative ? Pour y voir plus clair, nous avons sollicité Philippe Choquet, président de la FESIC et directeur général d’UniLaSalle. Par Valentine Dunyach
En 20 ans, le monde de l’Enseignement supérieur a vu fleurir de nouveaux établissements privés lucratifs, délivrant pour certains, des diplômes non reconnus, trompant les étudiants. En parallèle, plusieurs labels ont été élaborés avec pour objectif de garantir aux étudiants et à leur famille la qualité de la formation suivie. Ces certifications, nombreuses, permettent notamment de mettre en lumière la qualité académique des formations dispensées dans les établissements privés comme publics. Pour comprendre l’utilité de ces labels présents dans le monde de l’enseignement supérieur, nous avons sollicité Philippe Choquet, président de la FESIC (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif).
Créée en 1969 et première fédération de grandes écoles associatives en contrat avec l’Etat, la FESIC rassemble 30 écoles d’ingénieurs (dont l’ensemble des écoles agro et vétérinaire privées), de management, d’arts et de sciences humaines, qui forment chaque année plus de 80 000 étudiants et apprentis.
La qualification EESPIG (établissement d’enseignement supérieur d’intérêt général) garantit le caractère non lucratif de l’établissement, son engagement dans les missions de service public de l’ESR et la qualité de ses formations Le législateur a voulu dès 2013 (loi Fioraso), à l’initiative de la Fesic et par la création de la qualification EESPIG, distinguer les établissements associatifs et non lucratifs, opérateurs du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche publique, des établissements lucratifs ou non engagés dans ces missions de service public. Cette qualification permet à l’établissement d’être en contrat avec l’Etat et de percevoir à ce titre une (faible) subvention annuelle. Les EESPIG partagent le même niveau de contrôle et d’exigence de leur qualité que les établissements publics par le biais de l’évaluation obligatoire par le Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Comme l’explique Philippe Choquet, pour intégrer la FESIC, « les écoles doivent être en phase avec les critères indispensables à l’obtention de la qualification EESPIG. » Ainsi, les écoles EESPIG ou en phase de l’être doivent répondre à deux prérequis, à savoir : l’école doit être à but non lucratif et s’inscrire clairement dans les missions de service public. Selon le président de la FESIC Philippe Choquet, le principal intérêt de suivre une formation au sein d’un EESPIG est la garantie d’avoir un diplôme reconnu. Il établit le constat suivant : « Aujourd’hui, la communication autour des établissements est une jungle. Il faut de la régulation. »
À lire aussi, sur Thotis : atouts des grandes écoles de management : l’édito d’Alice Guilhon, DG de SKEMA et Présidente de la CDEFM : Pour permettre aux étudiants de mieux comprendre l’écosystème de l’enseignement supérieur, Philippe Choquet le présente en deux secteurs d’établissements. D’un côté, le secteur en contrat avec l’Etat (Université, établissements publics, EESPIG), dont les missions de service public sont reconnues et inscrites dans la loi, et dont la qualité est garantie. De l’autre, le secteur hors contrat, regroupant des établissements lucratifs ou non, de qualité certifiée ou non, qui ont fait le choix de ne pas être en contrat avec l’Etat et de ne pas être reconnus comme remplissant les missions de service public de l’ESR. Selon lui, il ne faut pas pour autant rejeter toutes les écoles privées à but lucratif : « Certaines formations dispensées par des écoles privées lucratives proposent des diplômes d’ingénieurs qui confèrent un véritable grade. En cela, elles peuvent être des bonnes formations. Je n’oppose pas privé lucratif et non lucratif ; selon moi, il faut que les étudiants soient satisfaits de leur choix. » En effet, au-delà du contrôle de l’établissement, les formations de qualité (et qui souhaitent le faire reconnaître) sont contrôlées par les organismes certificateurs de leur périmètre (Commission des titres d’ingénieurs – CTI ; Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion – CEFDG ; Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – HCERES : pour les formations hors ingénieurs et management).
En lien avec ce sujet : Alice Guilhon (CDEFM et SKEMA) : « les contrôles et les règles doivent être les mêmes pour tous les établissements » : « Certains acteurs du privé lucratif ne respectent pas les règles du jeu.”, se désole le président de la FESIC. “De façon pratique, les familles peuvent se documenter sur le nombre de salariés permanents, l’existence de locaux physiques, le taux d’encadrement, le nombre d’heures de cours en présentiel… Autant de preuves des bonnes dispositions nécessaires pour étudier. La multiplication d’intervenants et les formations 100% en ligne doivent alerter. » Optimiste au sujet des contours du nouveau label pour le privé, il souhaite néanmoins que ce titre ne brouille pas encore davantage la communication autour des formations du supérieur.
Le président de la FESIC alerte sur la confusion qui existe parfois, pour les familles, au sujet de la valeur des titres RNCP : « Si un jeune souhaite poursuivre ses études à l’étranger, il ne pourra pas accéder à une reconnaissance de diplôme (Bac+3 ou Bac+5) grâce à ses titres RNCP uniquement. J’aimerais rappeler qu’un titre RNCP n’est pas équivalent à un crédit ECTS, c’est une reconnaissance du Ministère du Travail. » En effet, comme le rappelle Philippe Choquet, il est important de distinguer les titres RNCP des diplômes : « La plupart des titres RNCP ont été développés dans le cadre de l’apprentissage. Un titre reconnaît l’acquisition de compétences pour une tâche définie et en aucun cas un niveau académique, permettant de bénéficier d’un diplôme. »
La principale différence entre titre RNCP et diplôme reconnu est de l’ordre de la distinction entre connaissances et compétences. Un diplôme gradé, qui plus est dans un EESPIG, allie excellence académique et insertion professionnelle réussie, par la complémentarité entre la recherche et le monde économique, entre connaissances et compétences : « Les diplômes reconnus par l’État offrent aux jeunes un socle académique solide, irrigué par la recherche de l’établissement… Contrairement à une entreprise, qui n’est pas philanthrope. Son intérêt n’est pas de faire évoluer son salarié d’une entreprise A à une entreprise B. Elle le formera à une tâche précise qui répond à ses besoins et non à un ensemble de connaissances et de sujets permettant une mobilité ultérieure. », détaille-t-il. L’enseignement supérieur privé hors contrat, souvent lucratif, a tendance à opposer enseignement académique et enseignement professionnalisant. Mais c’est une vision de court-terme : la complémentarité évidente entre l’académique et le professionnel est essentielle pour répondre aux objectifs de long terme des politiques publiques et du marché du travail. Il résume : « Les formations permettant d’obtenir un titre RNCP atteste de la maîtrise de compétences répondant aux besoins à court terme des entreprises mais ne sont pas un diplôme. Un diplôme atteste d’un niveau de formation et d’un parcours d’études structuré, que les étudiants auront toute leur vie. » Il complète et appuie son propos ainsi : « Ni la manière d’appréhender les problèmes, ni les raisonnements, ni la somme d’apprentissages ne sont comparables ». La recherche au sein d’un établissement est ainsi garante du dynamisme de l’établissement sur les évolutions d’un secteur, d’un métier, car elle permet un lien direct entre l’enseignement dispensé et les dernières innovations explique Philippe Choquet.
En lien avec ce sujet : retrouve notre article sur la dernière conférence de presse de la CDEFI (nouveau label, attractivité internationale…) :
Nouveau label, attractivité… La CDEFI présente les grands enjeux des écoles d’ingénieurs en 2024
Le marché de l’enseignement supérieur fait ainsi face à l’arrivée de nouveaux acteurs privés lucratifs. Comme le rappelle Philippe Choquet, certaines écoles louent des titres RNCP à des structures privées à but lucratif, sous couvert de relations entreprises. Ce système, complètement légal, interroge le président de la FESIC sur l’avenir de l’Enseignement supérieur français. Inquiet de l’arrivée de certains acteurs privés lucratifs parfois peu scrupuleuses sur le marché, le président de la FESIC s’interroge sur la raison d’être de ces nouveaux organismes : « Quelle vision ont-ils de l’enseignement supérieur pour l’avenir de la société ? Je trouve cela inquiétant. Selon moi, seules des formations structurées et complètes permettront de résoudre les grands enjeux contemporains et de demain. »
Certaines écoles à but lucratif jouent sur les termes de reconnaissance des formations, à la limite de la tromperie envers les familles, sur le type de diplôme visé. Forts d’un budget marketing défiant toute concurrence, certains acteurs du privé lucratif n’hésitent pas à mettre des sommes importantes dans leurs plaquettes publicitaires. Le président de la FESIC tient à alerter les jeunes sur ce point : « Souvent, des écoles ayant une seule formation accréditée la placent en tête de gondole et communiquent uniquement sur cette formation. Cela signifie que les autres formations dispensées par l’établissement en question répondent à des critères plus faibles. À titre d’exemple, l’une des exigences nécessaires pour bénéficier du titre d’ingénieur, délivré par la CTI, est de disposer d’un professeur permanent pour 20 étudiants. A l’inverse, la grande majorité de ces établissements lucratifs fait appel à des intervenants extérieurs et n’emploie pas des professeurs permanents. » Il rappelle ainsi : « les labels sont liés aux formations contrôlées et non à l’intégralité des établissements ! »
S’il devait partager un dernier conseil au sujet de l’orientation, ce serait certainement celui-ci : « J’incite les familles à vérifier que le prix demandé par l’établissement correspond à la qualité de la formation. Il rappelle par ailleurs que « la plupart des écoles ont des systèmes de bourse, pour les étudiants les plus précaires. » Philippe Choquet prend l’exemple du taux d’échec en école d’ingénieurs qui est minime et indique que le salaire en sortie d’études permet de couvrir rapidement cet investissement financier. A contrario, suivre des études – effectivement gratuites ou quasi-gratuites avec un suivi bien plus distancié peut amener à un échec ou à un redoublement, ne garantit pas une employabilité immédiate au moment de la diplomation et le niveau de rémunération peut être plus faible. Le président de la FESIC de conclure : « Payer des études c’est investir pour son avenir : l’investissement sans doute le plus rentable de votre vie ».
Orientation : découvre notre page dédiée aux écoles de management, sur Thotis :
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