Mathilde a 23 ans et fait des études de Droit à l’Université de Bordeaux. Elle fait beaucoup de sport et voue un profond intérêt à l’écologie. Cette année, elle travaille pour Uber eats tout en préparant l’Examen d’entrée en école d’avocats (le CRFPA). Elle passera le CRFPA en septembre 2020. Si elle l’obtient, il lui restera un an et demi d’école (6 mois de cours et 2 fois 6 mois de stages) avant de pouvoir passer le CAPA (Certificat d’aptitude à la profession d’avocat).

Par Mathilde Lacoume
Job étudiant

 

Pourquoi as-tu décidé de prendre un job étudiant ?

Je travaille depuis que j’ai 18 ans. Au départ, je ne travaillais que les étés (j’ai fait des saisons en tant que serveuse, et j’ai travaillé dans une médiathèque). J’ai commencé mon premier job étudiant en août 2016, au Mc Donald’s à Nancy, parce que j’avais pour projet de déménager à Bordeaux. Je voulais mettre de l’argent de côté en vue de ce déménagement. Une fois à Bordeaux, j’ai obtenu un contrat au Mc Donald’s de la Victoire, où j’ai travaillé pendant deux ans. J’ai continué à travailler après mon déménagement pour des raisons financières, pour faire face aux charges quotidiennes (loyer, factures, etc).

 

En juillet 2019, j’ai désiré changer d’emploi pour des raisons financières et personnelles, je me suis donc lancée dans l’activité de coursier Uber eats.

 

Comment as-tu obtenu ces jobs étudiants ?

En tant que serveuse, je m’occupais de la mise en place de la salle et du service du matin lorsque le restaurant le proposait, puis des services du midi et du soir (prise de commande, service, entretien de la salle et des surfaces). A la médiathèque, j’avais un poste d’adjointe au patrimoine seconde classe. Je gérais les emprunts et les retours de livres, CD, DVD, je rangeais les documents qui nous étaient retournés, et j’ai fait des inventaires. Au Mc Do, j’étais équipière polyvalente. Je travaillais tant en cuisine (confection de sandwichs et cuisson de la viande) qu’au comptoir (encaissement et préparation des boissons). En plus de leurs différentes tâches, les équipiers ont pour mission de gérer les stocks, de préparer le terrain pour les « rush » et de nettoyer les postes et les surfaces.

 

En médecine, il cumule les jobs étudiants pour payer ses études

En médecine, cet étudiant cumule les jobs pour payer ses études

 

En tant que coursier Uber eats, je prends en charge les commandes auprès des restaurateurs, et je les livre aux clients, dans le respect des consignes de conservation des aliments, et dans le respect du code de la route. Mes postes de serveuse (en saison) et mon poste à la médiathèque, je les ai obtenus grâce au bouche à oreille. Ces emplois étaient des CDD, pour 1 ou 2 mois. Pour le Mc Do, j’ai déposé des candidatures spontanées parce que je sais qu’il y a un important turn over dans cette entreprise, surtout l’été, quand les étudiants s’en vont.

 

Je n’ai jamais rédigé des lettres-type, car même pour des emplois étudiants, je pense que les employeurs apprécient de voir que l’on s’intéresse particulièrement à leur entreprise

 

A l’exception de mon activité de coursier, pour chacun de ces postes, j’ai rédigé des CV et des lettres de motivation. J’ai toujours pris soin de les personnaliser pour qu’ils collent à l’entreprise que je visais. Pour l’activité de coursier Uber eats, il suffit de créer sa microentreprise puis de créer un compte sur l’application Uber driver. On peut ensuite commencer à travailler immédiatement. 

 

Y a-t-il beaucoup d’étudiants en droit qui travaillent chez Uber eats ?

Je n’ai pas connu beaucoup d’étudiants travaillant chez Uber eats, la plupart des coursiers que j’ai rencontrés en ont fait leur activité principale. Cet emploi est intéressant car les horaires ne sont pas fixes. Il est toutefois conseillé de travailler sur les périodes de forte affluence, c’est-à-dire les heures des repas.

 

Nous travaillons à notre guise, il suffit de se mettre en ligne sur l’application lorsque nous commençons, et de nous mettre hors ligne quand nous voulons arrêter. 

 

Financièrement, cet emploi est également intéressant, mais instable. Pour gagner de l’argent, il faut travailler, mais pas uniquement : les courses dépendent de la demande des clients, et du nombre de coursiers en ligne en même temps. Moins il y a de coursiers, plus ceux qui sont en ligne ont de chances de « sonner » pour aller récupérer des commandes, et inversement. Par ailleurs, sur les périodes de forte affluence (par exemple le dimanche soir), Uber met en place des bonus par paliers (ex : + 11€ pour 11 courses, + 15€ pour 13 courses). Pour gagner de l’argent, il faut travailler, mais pas uniquement. Les conditions de travail sont également variables. Il s’agit de faire du vélo en ville, les conditions varient donc en fonction de la circulation, de la météo, des températures, du fait qu’il fasse jour ou nuit… 

 

Ce travail m’a plu car je suis très sportive, mais je ne dirais pas qu’il soit agréable, car il est facteur de stress, notamment en raison de la circulation, et de contraintes, liées à la météo.

 

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Est-ce fréquent chez les étudiants en droit de cumuler les études et un job étudiant ?

Je ne crois pas qu’il soit fréquent que les étudiants en droit cumulent leurs études avec un emploi. Certains le font, mais ce n’est pas la majorité. Ceux qui travaillent font souvent du babysitting ou donnent des cours particuliers mais j’imagine que les emplois sont plus diversifiés que cela.

 

J’ai toujours préféré « cloisonner » mes études et mon travail.

 

Il est possible d’obtenir des dispenses d’assiduité dans les facultés de droit, sur présentation du contrat de travail et justificatif des horaires. Pour ma part, je n’en ai jamais demandées, car j’ai toujours préféré « cloisonner » mes études et mon travail. Je ne voulais pas privilégier mon travail au détriment de mes études, j’ai donc toujours fait le choix de ne travailler que les vendredis soirs et les week-ends afin de ne pas rater de cours.

 

Un petit point légalité ?

Au Mc Do, j’étais salariée, j’avais donc 5 semaines de congés payés par an, mais je n’en ai jamais posé autant. En général, je prenais deux semaines en été, et dans le reste de l’année, je posais quelques jours de temps en temps pour rentrer à Nancy, ou partir en voyage certains week-ends.

 

Pour l’activité de coursier Uber eats, j’ai du créer une microentreprise auprès de la CCI de Bordeaux. Une fois mon extrait K-bis reçu (environ 2 semaines plus tard), j’ai pu créer mon compte sur l’application Uber driver, et j’ai commencé à travailler immédiatement. Pour ce qui est de la déclaration de revenus Uber eats, je remplis une déclaration d’impôts classique, sauf que je ne remplis par la case « salaire », mais la case « bénéfices industriels et commerciaux ».

 

Je touche une bourse et des APL malgré mon emploi étudiant.

 

La bourse est indexée sur les revenus des parents (de ma mère en l’occurrence), et les APL sont indexées sur ma propre déclaration de revenus. Mes APL ont d’ailleurs baissé « à cause » de mes salaires. Je ne touche pas de prime d’activité parce que je ne gagne pas plus de 893€ par mois. Je déplore cette situation. En France, il n’existe aucun statut pour les « étudiants-salariés » (hors apprentis et alternants). Les APL que nous touchons sont plafonnées parce que nous sommes étudiants, malgré la faiblesse de nos revenus. Nos bourses sont indexées sur les déclarations de revenus de nos parents, alors que certains d’entre nous font leur propre déclaration de revenus. De plus, nous ne pouvons bénéficier d’une prime d’activité qu’en gagnant plus de 893€/mois, ce qui correspond à environ 25 heures de travail par semaine, ce qui est difficilement compatible avec des études, en tous cas de Droit.

 

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Ton job étudiant te suffit-il aujourd’hui pour vivre correctement ? 

Mon emploi étudiant me permet de faire face à mes charges mensuelles, mais bien évidemment, je reste particulièrement vigilante à mes dépenses.

 

Les études de droit sont réputées pour être prenantes, en particulier quand on prépare le concours du barreau, comment fais-tu pour t’organiser ?

Mes études sont très prenantes. En Licence et en Master, j’avais environ 25 heures de cours par semaine, et beaucoup de travail personnel à la maison. En prépa CRFPA, j’ai beaucoup moins de cours, mais la préparation de cet examen demande beaucoup de travail personnel, donc au final, cela revient au même. 

 

Pour ne pas négliger mes études, j’ai toujours fait le choix de ne travailler que les vendredis soirs et les weekends. En sortant de cours le vendredi, j’ai l’habitude de dire que ma deuxième semaine commence. 

 

J’arrive à m’en sortir et à tout mener de front, mais je ne nie pas que ce soit parfois compliqué, notamment depuis que je vis seule. En plus de mes études et de mon travail, je dois gérer seule mon appartement, mes courses, mes repas, etc. Même si j’ai toujours beaucoup aidé ma maman dans les tâches du quotidien, le fait de les assumer seule est aujourd’hui plus compliqué. Certains moments sont plus difficiles que d’autres, notamment les périodes d’examens, mais je suis organisée, et je ne me suis jamais laissée surprendre.

 

 Je sais que je dois partager mon temps entre mes études et mon job étudiant, je travaille donc mes cours au jour le jour pour éviter d’être submergée au moment des examens.

 

Même dans les moments difficiles, je suis toujours restée positive et j’ai toujours relativisé ma situation. Je sais qu’elle est temporaire et que les sacrifices que je fais aujourd’hui me permettent de suivre des études qui me plaisent et de pouvoir accéder à un métier dans lequel je m’épanouirai.  Si je devais donner des conseils aux étudiants qui souhaitent ou doivent avoir un emploi étudiant, je leur dirais de s’organiser correctement. Chacun peut choisir son rythme et organiser son emploi du temps comme il le souhaite, mais l’important est de s’y tenir pour ne pas se laisser submerger et surprendre dans les périodes plus chargées.

 

Penses-tu que le fait de travailler porte atteinte à ta réussite scolaire ?

Le fait de travailler n’a pas porté atteinte à ma réussite scolaire, car j’ai toujours validé mes années sans rattrapage, et avec mentions, mais je pense que cela a malgré tout eu un impact sur mon quotidien. J’ai dû faire certains sacrifices, notamment sur mes heures de sommeil (ahah), et sur certains loisirs. Mais j’ai toujours mis un point d’honneur à faire du sport, à voir mes amis, à avoir des activités culturelles.

 

Je pense qu’il est important de ne pas s’enfermer dans une routine pour éviter le surmenage.

 

Penses-tu qu’avoir un job étudiant est une expérience intéressante (au-delà de l’aspect financier) ?

Au-delà de l’aspect financier, avoir un job étudiant est une expérience intéressante car cela m’a permis de développer des compétences qui me seront utiles à l’avenir. Par ailleurs, et même si cela n’était pas le but au départ, mes emplois m’ont permis d’acquérir une certaine autonomie financière. L’argent ne tombe pas du ciel, et il a une autre saveur lorsqu’il a été durement gagné.

Trouver un emploi dans son domaine d’études peut être intéressant mais je conseillerais à ceux qui cherchent un de ne se fermer aucune porte. 

 

Chaque emploi nous permet de développer des compétences qui nous seront utiles dans nos futurs métiers et nous fait grandir.

 

Mes emplois n’ont jamais eu de rapport avec le Droit, mais ils m’ont malgré tout permis de développer des compétences qui me seront utiles si je deviens avocate un jour. Du fait du contact permanent avec la clientèle, j’ai développé une certaine aisance à l’oral et une réelle confiance en moi. J’ai également appris à travailler en équipe, à gérer les situations de stress (surtout au Mc Do) et à ne pas perdre mon sang-froid. 

 

Existe-il des jobs étudiants proposés directement proposés par la faculté de droit ? 

Il existe des emplois proposés par la faculté du Droit destinés aux étudiants (notamment du secrétariat ou du travail en bibliothèque). Une de mes amies occupe un poste au secrétariat de la faculté, et elle a l’air d’en être satisfaite.

 

Pour finir, penses-tu continuer à travailler pour Uber eats dans les prochaines années ?

Au-delà de l’aspect sportif qui me plait beaucoup, je ne continuerai pas à travailler pour Uber eats, en tous cas pas de façon régulière. Je vais garder mon compte pour continuer à faire des courses à titre de complément de revenus, mais je recherche actuellement une nouvelle activité salariée. En effet, je me rends compte que cette activité ne me correspond pas : j’ai besoin d’interaction sociale et d’être intégrée au sein d’une équipe, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on pédale seul(e) durant trois heures chaque soir. Par ailleurs, cette activité est dangereuse, j’ai eu un accident qui m’a fait réaliser que la sécurité primait sur les raisons financières. 

 

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