La crise sanitaire que traverse la France depuis maintenant près d’un an exacerbe les difficultés des étudiants toutes filières et tous niveaux confondus. D’abord mis en avant dans les discours médiatiques en tant que principaux responsables de la diffusion du virus, les étudiants sont très vite passés au second voire au dernier plan des préoccupations.
Par Mathilde Lacoume
Temps de lecture : 5 min
Santé mentale et bien-être étudiant
Les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever pour dénoncer le peu de cas dont le gouvernement fait des jeunes adultes et en particulier des étudiants. Ces derniers apparaissent en effet comme les grands oubliés voire même comme les grands sacrifiés de la crise de la covid. Les deux confinements ainsi que les autres mesures restrictives prises durant ces derniers mois pour endiguer la progression du virus ont déclenché ou renforcé des difficultés rencontrées par de beaucoup d’entre eux.
La FAGE (Fédération des Associations Générales Étudiantes) est une association regroupant des fédérations de filière et territoriales. Elle a pour mission de garantir l’égalité des chances de réussite dans le système éducatif et agit pour l’amélioration constante des conditions de vie et d’études des jeunes. Depuis plusieurs semaines, elle alerte l’opinion publique quant à la dégradation de la santé mentale des étudiants et multiplie les actions pour venir en aide au plus grand nombre. Dans cet article Fanny, chargée de mission innovation sociale et 3ème cycle à la FAGE, nous rappelle le contexte auquel sont confrontés les étudiants, nous fait part des principales revendications de la FAGE et nous présente les mesures qui ont déjà été mises en place pour porter secours aux étudiants.
Un contexte problématique et des signaux de plus en plus alarmants concernant la santé mentale des étudiants
Comme le rappelle Fanny, la problématique de la santé mentale chez les étudiants n’est pas uniquement conjoncturelle. La FAGE et les autres associations et instances qui concourent au bien-être des étudiants y sont confrontées depuis longtemps. La question de la santé mentale des étudiants s’est accentuée à partir du premier confinement mais était déjà particulièrement sensible auparavant. Déjà en 2007, le suicide représentait la 2ème cause de décès chez les 18-25 ans.
Pour autant, il est important de souligner que la crise sanitaire a exacerbé les problématiques de santé mentale chez les étudiants (aussi bien au niveau quantitatif – nombre d’étudiants concernés par ces problématiques – ; qu’au niveau qualitatif – intensité des difficultés rencontrées -). Les chiffres qui ressortent des enquêtes récentes sont mauvais et inquiétants. 73% des étudiants interrogés déclarent avoir été affectés au niveau psychologique ou physique par la crise sanitaire, 64% déclarent le besoin de se confier à quelqu’un et 23% ont des pensées suicidaires. Malgré ces difficultés, 30% des interrogés expliquent renoncer à des soins pour des raisons financières.
Selon Fanny, le fait que les jeunes se sentent particulièrement mal en ce moment s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, l’amoindrissement voire la rupture des liens (familiaux, amicaux, etc) sont sources d’isolement. A cet isolement s’ajoute l’enfermement contraint par les confinements successifs, très mal vécus par beaucoup de jeunes. De plus, la crise a été synonyme de perte d’emploi et de nombreuses autres difficultés pour beaucoup d’étudiants qui se sont retrouvés en situation de précarité, une situation particulièrement stressante. Pour les plus « chanceux », épargnés par la précarité, la dégradation du suivi et de l’investissement pédagogiques liée à l’impossibilité de suivre des cours en présentiel a été et continue à être source de démotivation et de décrochage. Finalement, l’incertitude générale concernant l’évolution de la situation dans les prochains moins empêche les projections vers l’avenir. Or, qu’est-ce qu’un étudiant qui ne peut pas construire de projets ?
En septembre, les étudiants en première année ont été privés de rentrée scolaire. Si certains ont moqué l’attachement « ridicule » et « irraisonné » des primo-étudiants aux rituels d’intégration, n’oublions pas que des étapes aussi indispensables que l’adaptation et l’acclimatation au format nouveau des études supérieures ont également été empêchées par la situation sanitaire.
Certains étudiants domiciliés dans des logement universitaires se sont retrouvés enfermés dans une chambre de 9m2 pendant plusieurs semaines lors des confinements.
Les partiels ont été reportés, supprimés, modifiés et réorganisés pendant plusieurs semaines, laissant les étudiants dans une situation d’incertitude et d’impuissance déconcertante. En fin d’année dernière, certains ne savaient pas quand ils auraient accès à leurs résultats. D’ailleurs, ils ont parfois été contraints d’attendre jusqu’à fin septembre pour savoir s’ils leurs résultats leur permettaient de valider leur année précédente.
Finalement, on a beau dire que les diplômes restent les mêmes et que leur valeur demeure inchangée, l’angoisse des étudiants quant à leur capacité à trouver une place sur le marché du travail est de plus en plus profonde.
Les revendications de la FAGE pour contrer cette tendance préoccupante
1. Le retour en cours
La FAGE demande un retour des cours en présentiel. Selon Fanny, il est important que les mesures sanitaires soient prises suite à des concertations entre étudiants, professeurs et ministères. Il faut faire en sorte d’éviter les inégalités entre les établissements et les territoires. Certaines facultés souhaitent le retour en présentiel, d’autres ne le souhaitent pas : la décision doit être la même pour tous. De même, il paraît injuste et injustifié que les écoles primaires, les collèges et les lycées puissent rester ouverts alors que les établissements de l’enseignement supérieur sont contraints de garder portes closes.
Il est actuellement proposé un retour à 20% du temps de cours en présentiel. La FAGE estime que c’est un bon début. Elle considère néanmoins qu’il ne faut pas contraindre les étudiants à un retour en présentiel mais plutôt leur laisser la possibilité de revenir s’ils le souhaitent.
2. Des solutions pour diminuer l’isolement
La FAGE souhaite développer des lieux d’études. Les bibliothèques étaient saturées avant la crise sanitaire et il est maintenant compliqué de prendre rendez-vous pour aller y travailler. La FAGE aimerait donc développer des tiers lieux en collaboration avec les municipalités. L’idée serait de proposer de nouveaux lieux de travail aux étudiants avec des chaises, des tables et du wifi. Bien entendu, les règles sanitaires demeurent des priorités et la FAGE tient à scrupuleusement les respecter.
3. La lutte contre la précarité étudiante
La FAGE souhaite que les bourses soient réformées. En effet, le système actuel de bourse sur critères sociaux prend en compte les revenus des parents et l’éloignement du lieu d’étude par rapport au lieu familial. La FAGE souhaite une linéarisation du montant des bourses à la place du système actuel d’échelons afin d’éviter l’effet palier qui pénalise les étudiants. De plus, la FAGE demande une augmentation du montant de la bourse pour les étudiants de classes moyennes (boursiers des premiers échelons ou n’étant pas boursiers), majoritairement impactés par la précarité et par le salariat « subi ».
La FAGE demande également que plus de moyens tant financiers qu’humains soient mis en place pour épauler les universités. Il est urgent d’apporter de nouvelles ressources pour les filières en difficulté (staps, psychologie, etc.).
4. Zoom sur la question de la santé mentale
Avant la crise sanitaire, il y avait 80 psychologues pour 1,7millions d’étudiants sur le territoire français. Cela représentait 1 ETPT (équivalent temps plein annuel travaillé) pour 29 000 étudiants. L’État a récemment annoncé le doublement de cet effectif de psychologues. C’est une très bonne chose. Néanmoins, malgré cet effort, le ratio psychologues/étudiants demeure dix fois inférieur à celui que mettent en avant les recommandations internationales (Night Line : https://www.nightline.fr/publications).
La FAGE tient à souligner qu’il est insuffisant de ne faire qu’un travail curatif concernant la santé mentale. Intervenir pour aider les étudiants qui souffrent de troubles est fondamental mais il faut également anticiper les difficultés pour qu’elles ne deviennent pas de réels problèmes. Les mesures palliatives sont autant voire plus importantes que les mesures curatives en ce qui concerne la santé mentale des étudiants. Or dans ce domaine, les moyens sont encore largement insuffisants.
Retour sur quelques mesures déjà mises en place
Il est important de souligner que de nombreuses aides existent déjà et que les étudiants ne doivent pas hésiter à y recourir s’ils en ressentent le besoin. Certaines aides sont déjà anciennes mais restent mobilisables pendant la crise. Les aides spécifiques ASAA et ASAP permettent de répondre aux situations particulières non prévues. L’ASAP (Aide Spécifique Ponctuelle) est une aide ponctuelle en faveur de l’etudiant.e en situation grave au cours de l’année universitaire. Cette aide peut être cumulable avec une bourse sur critères sociaux, une aide à la mobilité internationale ou une allocation annuelle. L’allocation annuelle ou Aide Spécifique Allocation Annuelle (ASAA) est une allocation accordée à l’etudiant.e qui rencontre des difficultés pérennes sur maximum 10 mois. Durant la crise sanitaire les Assisant.e.s social.aux du CROUS restent accessibles ainsi que le numéro national dédié aux aides : 0 806 000 278 ( 9h00-17h00), appel non surtaxé, local. De plus, des mesures ont récemment été annoncées par le gouvernement pour aider les étudiants. On pense notamment à la possibilité pour tous les étudiants, boursiers ou non, de bénéficier de deux repas par jour au tarif de 1 euro.
Il existe également de nombreux services proposés par les universités pour aider les étudiants dans de nombreux domaines. Par exemple, des réunions gratuites sont organisées et un grand nombre de lignes d’écoute ont été mises en place. Il ne faut pas hésiter à vous renseigner sur le site internet de votre établissement ou même de votre municipalité, de votre département ou de votre région. Les associations et syndicats étudiants proposent également de nombreux services. Pour plus d’informations sur les dispositifs proposés par les universités en France, vous pouvez aussi consulter cet article de la FAGE sur la santé mentale des étudiants.
Si vous êtes en situation de précarité, sachez que de nombreux dispositifs existent pour vous aider. Par exemple, les AGORAés sont des espaces d’échanges et de solidarité qui se composent d’un lieu de vie ouvert à tou.te.s et d’une épicerie solidaire accessible sur critères sociaux. 24 AGORAés ont vu le jour en France depuis 2011 et comptent déjà plus de 12 300 bénéficiaires.