Face aux différents enjeux sociétaux, aux transitions écologiques, numériques ou énergétiques, à quoi ressemblera l’ingénieur de demain ? Rencontre avec Jacques Fayolle, président de la CDEFI et directeur des Mines Saint-Etienne. Par Valentine Dunyach
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Alors que la transition écologique constitue l’un des enjeux majeurs, au cœur de notre quotidien, certains secteurs professionnels décident de s’emparer du sujet directement à la racine. C’est avec l’ambition de trouver des solutions pérennes pour le monde de demain que sont ainsi formés les étudiants en école d’ingénieurs.
Répondre aux différents défis sociétaux de demain constitue un sujet déterminant pour les élèves étudiants, puisqu’ils disposent de nouveaux outils, mais se doivent également de maîtriser certaines technologies pointues, comme l’intelligence artificielle. La société évolue d’ailleurs dans son ensemble et l’ingénieur d’aujourd’hui ne ressemble plus forcément à celui d’hier ; tendre vers davantage d’égalité des genres dans la profession est aussi l’une des ambitions des écoles d’ingénieurs.
Jacques Fayolle, président de la CDEFI (Conférence des Directeurs des Écoles françaises d’ingénieurs) et directeur de l’École des Mines Saint-Etienne, nous a accordé un entretien, permettant de dessiner les contours de ce à quoi ressemblera l’ingénieur de demain, dans un secteur mouvant.
La vidéo complète de l’interview est d’ailleurs disponible sur Thotis !
CDEFI : une Conférence institutionnelle dédiée à l’ingénierie
Avant toute chose, il était important pour Jacques Fayolle de décrire ce que représente la CDEFI en France et son rayonnement, en tant que président de cette Conférence. Il décrit ainsi son rayonnement :
“La CDEFI rassemble la totalité des écoles d’ingénieurs en France ; et d’ailleurs, quel que soit leur statut, privé ou public. Concernant les établissements issus du public, ils dépendent d’ailleurs de différents Ministères, comme celui de l’Enseignement et de la Recherche ou encore de l’Economie et de l’Industrie. Concrètement, cela représente aujourd’hui 200 écoles qui accueillent environ 250 000 élèves, dont 190 000 élèves ingénieurs. Je dirais que l’on diplôme environ 45 000 ingénieurs par an.”
Pour compléter ses mots, la CDEFI ou Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d’Ingénieurs porte haut la voix des Directeurs de toutes les Écoles d’ingénieurs en France, d’abord en France, mais également à l’international. Les missions de cette Conférence institutionnelle peuvent aller de l’accompagnement des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs dans l’exercice de leurs fonctions à l’organisation de rencontres, assemblées, commissions, séminaires, thématiques sur le métier.
Pour aller plus loin : le site officiel de la CDEFI
Des formations multiples mais interconnectées
Difficile de définir précisément le métier d’ingénieur aujourd’hui. Si les descriptions de certains métiers sont plus limpides, celle d’ingénieur comporte un aspect davantage “protéiforme”, comme le souligne Jacques Fayolle. Le président de la CDEFI nous livre néanmoins sa définition du métier aujourd’hui, et les évolutions qui le caractérisent.
“Il est vrai que le métier d’ingénieur possède un aspect qui est protéiforme. Selon moi, il est plus difficile de définir le profil d’un ingénieur, que celui d’un médecin ou d’un coiffeur. C’est un métier qui est multiple, ce qui est l’une de ses richesses. Pour vous en donner une idée plus précise, j’utilise parfois cette image ; les ingénieurs, aujourd’hui, ce sont les médecins du monde.
Leur métier sera de traiter des problématiques sociétales, telles que la transition écologique, numérique ou énergétique. Les domaines de formation sont eux aussi, très diversifiés, puisqu’ils regroupent par exemple le numérique, la production, le génie civil, le domaine de l’agriculture.
La philosophie de l’ingénieur, selon moi, est systématiquement la même : il se trouve face à une problématique, conçoit une réponse, la met en œuvre, la perfectionne, dans une boucle d’amélioration continue. Son but est d’optimiser une solution au regard des contraintes imposées. Cette problématique, présente dans l’informatique, les mathématiques, la physique, la biologie, la physique, la mécanique, est la même ; seulement, le métier adresse différents objets, et c’est aussi ce qui en fait sa richesse.”
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Écologie, transition numérique… Le métier d’ingénieur évolue
L’ingénieur doit faire appel à des compétences de plus en plus connectées les unes aux autres. Comme l’indique Jacques Fayolle, le métier d’ingénieur n’a pas toujours été ainsi. Il y a seulement quelques décennies, les grandes questions nationales, aujourd’hui abordées par la CDEFI, telles que l’industrie verte, la bioélectronique dans le domaine de la Santé, ou la prévention d’épidémies grâce à l’intelligence artificielle lors d’épidémies, sont pour Jacques Fayolle, le miroir de l’évolution de la profession au fil des ans.
“Il y a encore trente ans, l’ingénieur opérait une succession de gestes, souvent physiques, dans le but de concevoir une pièce d’usine, adaptée à un environnement bien précis. Aujourd’hui, un ingénieur d’Airbus, par exemple, doit prendre en compte non plus seulement le boulon, mais sa résistance à la pression, son aspect sécurité, et stocker le tout dans des bases de données qui vont interférer. Je dirais qu’il y a aujourd’hui une vision bien plus en profondeur sur les problématiques de production à travers la maintenance, le machine learning, l’intervention de l’intelligence artificielle et de la transition écologique. C’est pour moi la première grande révolution d’ordre thématique.” , détaille-t-il.
L’écologie : un sujet prépondérant chez l’ingénieur français en 2023
Intégrer les risques et les enjeux du réchauffement climatique dans la profession d’ingénieur est sans nul doute le grand défi de ces prochaines années. Comme évoqué précédemment par Jacques Fayolle, les écoles d’ingénieurs sont confrontées à certaines évolutions sociétales et environnementales. En ce sens, les écoles d’ingénieurs s’adaptent, en proposant des formations qui impliquent des valeurs innovantes, reflétant les besoins des entreprises.
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Écoles d’ingénieurs en France : l’ingénieur de demain est-il une femme ?
Si les étudiantes inscrites en école d’ingénieurs représentaient seulement 4 % des inscrits en 1975, leur part a tout de même évolué en presque 40 ans, atteignant quasiment les 30 % de présence en écoles, en 2015, selon l’Observatoire des femmes ingénieurs*. Depuis huit ans, le chiffre s’est ainsi stabilisé. Lors de l’entretien mené par Thotis, le président de la CDEFI a ainsi noté la timide avancée en matière de parité, au sein des écoles d’ingénieurs, évoquant néanmoins une hausse relative. Et de constater :
“30 % des élèves ingénieurs sont des femmes, avance Jacques Fayolle. Si leur présence est encore timide dans le secteur, elle a gagné des points ces dernières années, passant ainsi de 25 % à 29 %. Les femmes représentent un “vivier” de candidats compétents et inutilisés. D’où la nécessité de faire connaître et de populariser les formations d’ingénieur.”
Pour voir augmenter les effectifs féminins dans les rangs des écoles d’ingénieurs françaises, la CDEFI a choisi de s’engager, en organisant notamment des événements en ce sens. La Conférence institutionnelle s’engage à travers son opération “ Ingénieuses”, pour promouvoir la mixité de la profession et lutter contre les stéréotypes de genre. Lors de la dernière cérémonie de récompenses qui s’est tenue au ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Jacques Fayolle s’est d’ailleurs exprimé sur le sujet, déclarant :
“ Si nous avons accompli des progrès en termes d’égalité entre les genres, des écarts persistent dans tous les domaines de la vie sociale, économique et politique. Une société innovante et prospère est une société inclusive et égalitaire. ”
Le conseil de Jacques Fayolle pour choisir son école d’ingénieur :
Pour le président de la CDEFI (Conférence des directeurs des Écoles françaises d’ingénieurs), la question du choix de l’école ne se pose pas en termes de privé ou de public. À ses yeux, c’est d’abord le fait de l’accréditation d’un établissement qui a son importance. Enfin, se référer aux classements des écoles est pertinent selon lui, mais ne suffit pas. L’étudiant doit aussi, pour s’orienter au mieux, se concentrer sur d’autres points tout aussi pertinents : les partenariats avec les entreprises, les matières proposées, la production de connaissances dispensée, ou encore la localisation.
Sources* :