Article transdisciplinaire de Véronique Bonnet, professeur de philosophie-culture générale, et Grégory Chadufau, professeur de mathématiques, en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), filière EC (la filière qui conduit aux grandes écoles de management), au lycée Janson de Sailly à Paris.

Douze mots clés pour gérer les oraux des concours en prépa EC.

Performances en vue.

Projection

Exigence

Relaxation

Fiches

Organisation

Rêve

Mentorat

Audace

Nouveauté

Confiance

Energie

Sourire

P) Projection.

Dès que les écrits sont terminés, on observe une envie de décompresser analogue à celle qui avait succédé à l’aboutissement de la longue procédure d’orientation sur Parcoursup. A leur arrivée en prépa, certains étudiants ne comprennent pas qu’il faut se plonger immédiatement dans le travail intensif, et ne se mettent vraiment à la tâche qu’au bout de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. De même, ici, le soulagement qui succède à la période angoissante du marathon des écrits est facteur de démobilisation. Ce contre quoi il faut absolument lutter. Les oraux paraissent subitement lointains alors qu’ils sont tout proches. Anticipez-les dès le début de la préparation. Vous avez pris quelques jours pour souffler, ce qui est totalement légitime. Dès le retour programmé au lycée, plongez-vous dans ce que vos professeurs vous proposent. Ne commencez pas, par superstition, à minorer vos chances d’admissibilité. Au contraire, partez du principe que vous serez admissible à toutes les écoles que vous avez présentées. Protégez-vous d’une baisse de motivation. Constituez ainsi des plannings avec le même sérieux, la même urgence que pour les écrits. Ne pensez pas à un éventuel cubage. Le moment est inopportun. Conduisez votre aventure à son terme sans en gâcher la fin en imaginant à tort qu’elle ne vous satisfera pas. N’y allez pas en dilettante, jouez le jeu.

E) Exigence.

Soyez rigoureux et méthodique. Organisez vos journées sur la même base que pendant la préparation des écrits. Venez au lycée tôt le matin, suivez les cours en classe entière que les professeurs vous proposent, préparez le travail demandé d’une séance l’autre. Inscrivez-vous au maximum d’oraux blancs dans toutes les matières. Le reste du temps, allez au CDI ou dans les salles de travail. Menez votre préparation avec la même intensité que pour les écrits. Vous enclencherez ainsi une montée en puissance. Vous allez découvrir avec un effroi constructif que vous avez l’impression d’avoir oublié beaucoup de choses que vous pensiez pourtant maîtriser au moment des écrits. Vous avez besoin d’une reprise en main énergique et immédiate pour réussir un crescendo sur une période très brève. N’arrivez pas en touriste aux oraux blancs. S’inscrire à des oraux blancs n’est pas une fin en soi. Si vous le faites pour vous donner bonne conscience et faire plaisir à vos professeurs, vous vous rassurerez de manière fallacieuse. Préparez les oraux blancs sérieusement. Passez-les sérieusement, en vous y engageant pleinement, pour éviter d’indisposer le colleur et, de fait, vous-même. Et retravaillez-les ensuite, en vous appuyant sur les debriefings faits par les colleurs. Reprenez le travail effectué en classe entière en soirée et durant les week-ends.

R) Relaxation.

L’hygiène de vie doit être la même que pendant la préparation des écrits, même si vous n’avez aucun cours nouveau à apprendre, ni aucun devoir à rendre. Votre régime alimentaire doit suffisamment anticiper le marathon des oraux. Faites-vous plaisir avec quelques fruits et légumes d’été. Belles salades à composer. Hydratez-vous régulièrement.

Levez-vous tôt, couchez-vous tôt. Même si aucune évaluation n’est programmée le lendemain, ce n’est pas le moment de sortir en soirée. Pas de rythme décalé. Éloignez votre smartphone lors de vos plages de travail. Il est plus dangereux encore pour votre concentration en cette période où vous pouvez céder à la tentation de vous croire désœuvré. Ne vous jetez pas non plus dessus au moment de vous coucher. Rien n’est moins favorable à l’endormissement réparateur. Pendant les oraux, accordez-vous des détentes ciblées lorsque vous sentez venir la saturation. Il faudra arriver aux épreuves frais et dispos, avec l’appétit de réfléchir et de parler. Ne restez pas dans votre bulle, ne vous interdisez pas de socialiser sur les campus, de partagez vos expériences avec les autres candidats ou les admisseurs. Vous dédramatiserez ainsi la situation, ferez chuter votre niveau de stress. Vous n’êtes pas différent des autres et vous allez réussir à faire face, comme tout le monde.

F) Fiches.

La révision du cours est vitale pour réussir aux oraux. Ceci passe par la réalisation de fiches, de préférence manuscrites. Au concours, pendant vos préparations, vous ne disposerez pas d’un ordinateur. Il faut vous réhabituer à écrire à un rythme soutenu.

Reprenez les fiches constituées en cours d’année matière par matière. En géopolitique, économie, langues vivantes, mettez-les à jour en fonction de l’actualité internationale.

La compréhension du cours est une condition nécessaire de réussite, en particulier pour les oraux de mathématiques où sont proposés des sujets difficiles que, sauf exception, aucune candidat ne peut traiter in extenso. Montrez que vous avez joué le jeu et que vous possédez des connaissances. N’oubliez pas qu’à HEC, tout sujet commence par une question de cours. La traiter de manière incorrecte ou imprécise risque de paralyser votre prestation.

L’entretien de personnalité nécessite aussi un socle écrit solide sur lequel vous vous appuierez. Les fiches que vous constituez doivent couvrir de manière méthodique les domaines auxquels vous vous intéressez. Une bonne improvisation a besoin de bases préparées. N’affirmez pas que vous voulez travailler dans le management culturel si vous n’êtes pas capable de parler d’une visite de musée, ni de diplomatie si vous ne voyez pas ce qu’est le Quai d’Orsay. Tenez-vous au courant des dernières nouveautés pour montrer que vous êtes à la pointe de l’information. Faites aussi des fiches spécifiques pour chaque école : masters spécialisés, doubles diplômes, associations. N’arrivez pas en amateur : un fort capital de sympathie est appréciable mais ne suffit pas pour réaliser un bon entretien.

O) Organisation.

Constituez intelligemment le calendrier de vos oraux pour arriver au sommet de votre forme à l’école qui vous intéresse le plus. La deuxième ou troisième que vous présentez est souvent celle à laquelle vous êtes au pic de votre acuité, mais faites confiance à votre ressenti et à votre expérience. N’enchaînez pas les oraux de façon trop rapprochée sauf nécessité impérieuse. A la fatigue des épreuves elles-mêmes s’ajoutera celle des trajets vers différentes villes de France, et des nuits sur place, peu reposantes. Ne faites donc pas de choix aberrants qui prendraient sur votre sommeil. Si vous êtes admissible à HEC, articulez bien sûr votre calendrier autour de vos dates de convocation.

Ne vous précipitez pas pour composer votre calendrier, mais n’y passez pas non plus des heures afin de chercher une solution qui garantirait une admission dans l’école de vos rêves. Ne digressez pas sur les bienfaits stratégiques de tel ou tel choix. Analysez différents scénarios puis prenez une décision rapide. Ce qui vous permettra de régler efficacement les détails logistiques et de vous plonger à nouveau dans le travail. Ne spéculez pas indéfiniment sur les avantages comparés de passer vos oraux à telle ou telle date. Par exemple, si vous êtes convoqué à HEC pour la première session, ne vous dispersez pas en pensant que vous auriez eu plus de chances si vous aviez été convoqué plus tard. Évitez les calculs d’épicier qui amènent à tirer constamment des plans sur la comète et détournent du véritable objet de votre préparation : être le plus compétitif possible. C’est en vous que se trouve la clé du succès.

R) Rêve.

Ayez l’envie et le désir de réussir toutes vos épreuves orales. Ne serait-ce que pour vous respecter vous-même, par amour du travail bien fait. Concourir en pensant déjà au cubage amène à se saborder, même inconsciemment.

Passez les oraux de chaque école comme si c’était celle de vos rêves. Ne vous censurez pas. Projetez-vous sans préjugés. N’écoutez pas les bruits qui traînent concernant les écoles en dehors du top 5. Ne mettez pas de limite à vos rêves. Le principe de réalité s’en chargera bien assez tôt. Rêvez large. Mais attention : rêvasser n’est pas rêver. Ne gaspillez pas votre temps en projections imaginaires. Ne fantasmez pas sur les moyens d’atteindre un score d’admission à HEC, matière par matière : si j’ai 15 ici 14 là etc., alors je serai admis. C’est stérile. Dites-vous plutôt, pour éviter l’impasse, ce qu’affirme Al Pacino alias Carlito Brigante : « Les rêves ne se réalisent pas en restant sans rien faire, il faut leur courir après. »

Allez sur chaque campus avec l’envie d’aimer l’école, et non en ayant déjà décidé qu’elle ne vous plaisait pas. C’est le moment ou jamais de manifester cette capacité d’adaptation, cette ouverture d’esprit dont vous parlez si bien. Échangez avec d’anciens élèves. Ils vous diront, du haut de leur expérience, qu’eux aussi étaient réticents mais qu’ils ne regrettent pas une seconde d’avoir intégré. Laissez-vous impressionner.

M) Mentorat.

Pendant la préparation aux oraux, misez sur vos professeurs. Il importe de boire leurs paroles et de mettre en pratique sans tarder leurs conseils, notamment en matière d’entretiens de motivation et de personnalité. Leurs avis sont éclairés. Ne les disqualifiez pas. Soyez preneur du moindre conseil, en provenance de sources variées. Mettez ainsi à profit les journées d’entretiens au cours desquelles vous rencontrez d’anciens élèves, des professionnels engagés dans le monde de l’entreprise qui parfois connaissent les domaines qui vous attirent.

Misez sur vos camarades. Continuez à travailler ensemble, comme vous en avez l’habitude. Interrogez-vous entre vous, dans toutes les matières et en particulier en entretien. Posez à vos camarades les questions qui vous embarrassent : ils vous donneront parfois des pistes de réponse que vous pourrez faire vôtres.

Misez sur les élèves des années précédentes qui reviennent gracieusement donner des conseils.

Pendant les oraux, misez sur les autres candidats, même si vous ne les connaissez pas, ou sur les admisseurs, qui ont intégré en général il y a un an et sont encore proches des oraux que vous allez passer. Ils vous renseigneront utilement sur les cursus, les associations, l’esprit de solidarité, autant d’éléments stratégiques lors d’un entretien de personnalité.

A) Audace.

Osez la créativité. Soyez dans l’ouverture. Ne vous interdisez pas de proposer des exemples non rebattus sans préjuger des réponses que le jury souhaiterait entendre.

Donc évitez de vous fier aveuglément aux listes de textes de référence à avoir lu absolument et à recaser. N’hésitez pas à mobiliser des références originales et appropriées. Les jurys voient très bien la différence entre un candidat qui récite des lieux communs sur une œuvre et un autre qui l’a rencontrée en profondeur de façon personnelle. Soyez authentique, en vous référant à un passage qui vous touche particulièrement. Plutôt que de dire froidement que La Nuit américaine de François Truffaut est une œuvre phare, ce qui est incontestable, parlez de la grue rouge et de sa symbolique au moment où la voix off dit que le cinéma règne et manifeste son pouvoir par la synergie des corps, des accessoires, du montage. Le jury saura que vous avez vu, que vous avez été émus, que le cinéma a vaincu.

De l’audace, toujours de l’audace ? Attention tout de même. N’abusez pas des réponses ironiques ou provocatrices. Si un trait d’esprit occasionnel peut faire mouche, les multiplier susciterait l’agacement du jury et le pousserait à croire que vous voulez masquer un manque de fond par des effets de manche.

N) Nouveauté.

L’oral comporte sa part d’imprévu, donc d’improvisation et d’aventure. Il convient d’accepter un certain lâcher-prise sans chercher à tout verrouiller.

Votre préparation sera en général imparfaite, ou même stérile. Ceci n’est en rien rédhibitoire. Le jury est au courant de la difficulté des sujets. Il essaiera de vous débloquer, qu’il s’agisse d’une question abordée sous un mauvais angle en mathématiques ou d’un sujet traité de manière partielle ou déformée en géopolitique, en économie ou en culture générale.

En entretien, affrontez les mises en situation sans rechigner. N’inversez pas pour autant les rôles. Si le jury pose une question ouverte, ne confisquez pas la parole pour faire barrage. L’entretien est un dialogue. N’en faites pas un monologue.

En triptyque, l’imprévu est constitutif de l’épreuve. Les sujets sont conçus pour prendre les candidats à contre-pied. On n’attend pas de vous des déclarations académiques. Changez de paradigme. Ayez en tête un contexte : business, entrepreneuriat, conseil en stratégie. Vous devez vous montrer innovant, entreprenant, progressiste.

Quelle que soit la discipline, ne vous sentez pas agressé par les questions posées par le jury, même si celles-ci vous déstabilisent. Très souvent, le jury vous invite seulement à mieux positionner votre propos : le prolonger ou le réorienter. Voyez-y une occasion d’élargir votre regard. Vous ne pouvez pas anticiper toutes les questions inattendues. Restez alerte et innovez.

C) Confiance.

Ayez foi en vos capacités. Passez les oraux en étant convaincu de votre valeur et non comme si vous  alliez à l’abattoir. Devant le jury, poursuivez votre exposé sans chercher à tout prix son approbation. Ne vous laissez pas abattre. Si vous voulez intégrer, vous devez croire que vous allez y arriver. Puisque vos professeurs et votre entourage vous disent que vous en êtes capable, cessez cette coquetterie à cinq sous. Croyez-les, et croyez en vous. Ne vous mettez pas des bâtons dans les roues. Si vous êtes admissible, il y a une raison. Si vous pensez ne l’avoir été que par chance, alors au point où vous en êtes continuez à parier sur votre insolente réussite et menez l’aventure jusqu’au bout, en prenant les oraux comme un jeu sérieux, ni au tragique, ni à la légère.

Votre confiance doit toutefois rester mesurée pour éviter de se muer en arrogance. Respectez un juste milieu. Ayez conscience de votre valeur, sans la surestimer ni la sous-estimer. La suffisance n’est pas nécessaire. Elle est la plupart du temps l’expression d’une timidité et opère comme ligne de fuite : vous sachant fragile, vous vous affichez hostile. N’agressez pas le jury, ne lui expliquez pas la vie. C’est lui qui a raison, en toutes circonstances. Ne soyez pas allergique aux bons conseils, ni binaire. Osez la subtilité, avec confiance.

E) Énergie.

Soyez dynamique du début à la fin d’une épreuve orale.

Pendant votre préparation, n’hésitez pas à réfléchir et à écrire beaucoup. Notez toute intuition qui vous vient. Ceci vous permettra de ne pas rester sec devant le jury, de déployer une activité de tous les instants. En mathématiques, prenez les calculs à bras-le-corps au lieu de vous désoler de votre lenteur. Et restez vif, même si vous avez l’impression de ne pas réussir grand-chose de concret.

Pendant votre passage, Soyez réceptif, réactif, adaptatif. En maths, notez au tableau toute indication du jury pour être sûr de ne pas la déformer et d’en tenir compte. Si vous l’ignorez, le jury peut décider de vous laisser vous embourber.

Trouvez un bon équilibre dans votre prise d’initiative, entre écoute et parole. Quand le jury s’exprime, ne l’interrompez pas. Lorsque c’est à vous de prendre la main, desserrez le frein à main. Conduisez votre démonstration, votre argumentation de façon énergique et convaincue. Soyez pilote, vous ferez ainsi du jury un copilote, un allié.

Dans le rallye des oraux, beaucoup de démarrages en côte où il faudra vous accrocher sans vous épuiser. A chaque jour suffit sa peine. Apprenez à tourner la page sans ruminer les épreuves passées. Vous ferez ainsi un usage optimal de votre énergie.

S) Sourire.

Vous n’imaginez pas l’impact que peut avoir votre sourire. Non seulement sur les autres, mais sur vous-même. Vous appliquer à sourire installe progressivement en vous une sérénité, un bien-être, des pensées positives qui vous permettront de réussir de meilleurs oraux que si votre visage reste fermé. Forcez-vous à être agréable avec le jury en toute circonstance, même si vous avez l’impression que votre oral se passe mal. Montrez-lui que vous êtes content d’être là. Le jury n’a pas à pâtir de vos états d’âme. Alors qu’un sourire, contagieux, attire sa sympathie, ce qui n’est pas négligeable.

Savoir communiquer, au-delà de ce que l’on communique, est quelque chose qui s’apprend. Le faire sans discernement est à la portée de n’importe qui. C’est pourquoi, dès aujourd’hui,  essayez-vous aux différentes nuances de sourire. Sourire de contact, de compréhension, de prise de congé. Cette expérimentation fine le rendra naturel. Vous pourrez ainsi choisir, pour chaque contexte que vous traverserez, le plus parfait des sourires.

On se souviendra de vous, vous imprimerez votre présence dans l’esprit des jurys par un « c’était l’élève qui souriait ». Vous ne savez même pas à quel point vous y prendrez goût, ni les impacts humains qui seront générés. Et vous feront sourire plus encore.