Légende : Jean-Michelle Nicolle, Directeur de l’EIGSI



Dans un contexte de recul de l’attractivité des formations d’ingénieurs et d’intensification de la concurrence entre écoles, l’EIGSI repense son modèle et trace une nouvelle feuille de route “Impact 2026”. Sa stratégie s’articule autour de cinq priorités : renforcer les liens avec les entreprises et les territoires, intensifier l’ouverture internationale, attirer davantage de jeunes femmes, renouveler l’expérience étudiante et stimuler l’esprit d’entreprendre. L’école mise aussi sur le recrutement de nouveaux enseignants-chercheurs et sur la qualité de vie sur son campus, en plaçant l’accompagnement, l’inclusion et l’épanouissement personnel au cœur de son projet.

Par Valentine Dunyach

Alors que les écoles d’ingénieurs multiplient les initiatives pour séduire une nouvelle génération de jeunes talents, l’EIGSI dévoile son plan d’accélération stratégique “Impact 2026” : un projet ambitieux pour renforcer son rayonnement, repenser l’expérience étudiante et affirmer son identité dans un marché de l’ingénierie en pleine mutation.

Le 14 octobre 2025, l’école a convié la presse sur son campus de La Rochelle pour une présentation de son plan stratégique. À cette occasion, Jean-Michel Nicolle, directeur général de l’école d’ingénieurs, a présenté les nouveaux leviers de développement et d’attractivité déployés pour attirer davantage de candidats et former plus d’ingénieurs.

État des lieux : les écoles d’ingénieurs face aux tensions du marché

Fort de son expérience dans l’enseignement supérieur, le directeur de l’EIGSI a conduit une analyse approfondie du paysage des écoles d’ingénieurs françaises, appuyée sur des données concrètes. Avec son équipe, il a également mené une réflexion autour d’une question clé : comment faire évoluer une école indépendante dans un environnement complexe ?

Selon lui, les formations d’ingénieurs doivent se réinventer pour rester en phase avec les besoins du marché. « Si notre économie a besoin d’ingénieurs, faut-il encore les former selon les modèles classiques ? », s’interroge-t-il. Il plaide pour des profils hybrides, à la croisée des compétences techniques et managériales, capables d’agilité et d’adaptation pour répondre aux nouveaux défis industriels.

Dans un contexte, d’une part de concurrence accrue, entre les établissements, les offres nationales et internationales, les modèles voire même les métiers et d’autre part les attentes étudiantes en mutation, l’EIGSI entend consolider sa position et attirer de nouveaux profils. L’école mise pour cela sur plusieurs leviers : une expérience étudiante renforcée, des coopérations plus étroites avec d’autres établissements et une ouverture internationale accrue pour diversifier les parcours et les recrutements.

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L’EIGSI et Excelia renforcent leur partenariat afin de favoriser l’hybridation des parcours

Parmi les conclusions de l’état des lieux mené par Jean-Michel Nicolle figure ce constat : en France, le marché de l’emploi des ingénieurs reste favorable aux diplômés, mais déséquilibré pour les entreprises. Si les grands groupes comme Thales ou Safran continuent d’attirer les meilleurs profils avec des salaires compétitifs, les PME peinent de plus en plus à recruter. Pour ces dernières, le coût d’un ingénieur reste un investissement lourd, freinant parfois même leur développement dans plusieurs secteurs.

S’ajoutent à cela de fortes disparités géographiques et sectorielles : certains territoires connaissent une pénurie chronique de talents, notamment en cybersécurité ou en intelligence artificielle embarquée. Selon la Dares, si 89 % des emplois offerts resteront de simples remplacements, les créations nettes d’emplois concerneront en particuliers les ingénieurs et les cadres de production, signe d’un marché en croissance.

Les besoins restent pourtant élevés : Les 46 500 diplômés trouvent un emploi en quelques mois. A l’EIGSI, près de 60% des étudiants ont un contrat avant de sortir de l’école. Le volume semble suffisant et mais ne répond pas pleinement aux attentes des entreprises. Selon diverses études, le marché serait prêt à absorber sans peine au moins 10.000 ingénieurs de plus chaque année. Ce que confirment les nombreuses offres toujours vacantes.

Des institutions plus grandes, plus puissantes

En l’espace de 35 ans, les écoles d’ingénieurs françaises ont profondément changé d’échelle. En 1988, elles comptaient en moyenne moins de 200 étudiants. Vingt ans plus tard, en 2008, ce chiffre atteignait 450. En 2025, la moyenne dépasse désormais 1 000 étudiants par établissement. Les petites écoles doivent désormais composer avec des structures capables de mutualiser leurs coûts, d’investir dans la recherche et d’attirer massivement les talents.

Se différencier dans un paysage compétitif

Dans un contexte tendu pour les écoles d’ingénieurs, marqué par une baisse d’attractivité, une pénurie de profils scientifiques et une concurrence accrue, la question de la viabilité des petites structures se pose avec une intensité nouvelle.

Pour Jean-Michel Nicolle, directeur général de l’EIGSI, “il est essentiel d’avoir une vision lucide du secteur et de ses transformations”. Face à l’essor de grands groupes d’établissements devenus de véritables mastodontes, une école indépendante de taille plus modeste doit aujourd’hui se réinventer et miser sur une forte différenciation pour exister.

Des coûts et des exigences en hausse

“Le pilotage d’une école d’ingénieurs est avant tout un pilotage par les coûts”, rappelle Jean-Michel Nicolle, directeur général de l’EIGSI. Les frais de personnel, qui représentent environ 60 % des dépenses, pèsent lourdement sur les budgets. Pour rester compétitive, une école doit donc atteindre une taille critique lui permettant de soutenir ses ambitions pédagogiques et de recherche. Selon lui, en selon les domaines de spécialité, le seuil moyen de viabilité se situerait autour de 1 700 étudiants et un chiffre d’affaires minimum de 17 millions d’euros. C’est la taille d’organisation qui permet de rivaliser avec les “grands acteurs” du paysage français de l’ingénierie.

Des critères d’attractivité qui évoluent

Longtemps, la réputation d’une école d’ingénieurs reposait avant tout sur la seule qualité de sa formation. L’ancienneté, la puissance de la « marque » et du réseau d’alumni étaient des paramètres majeurs. Aujourd’hui, le choix des candidats repose sur de nouveaux critères plus variés et plus subjectifs.

À ses yeux, plusieurs éléments pèsent désormais dans la décision des futurs étudiants : “Les candidats accordent désormais autant d’importance à la spécialité, aux opportunités internationales, à la notoriété, la position dans les classements ou à la vie associative qu’à la seule qualité académique.” Ils attendent d’une école qu’elle soit un « hub », un espace ouvert qui permettent des transfusions, des échanges, libère des potentiels.

Autre évolution majeure : la part des dépenses de marketing pour les écoles d’ingénieurs ; ce coût était très marginal dans nos écoles d’ingénieurs il y a quelques dizaines d’années. On parlait plutôt de communication et nos organisations “investissaient plutôt dans des équipements et des ressources humaines”, rappelle Jean-Michel Nicolle. Désormais, la une communication qui met en récit de l’école dans un objectif d’attractivité fait partie de sa stratégie de croissance.

Une concurrence régionale accrue sur l’arc atlantique

Le territoire joue selon lui un rôle décisif : la concentration d’établissements dans un même bassin universitaire renforce la concurrence post-bac, y compris avec les écoles de commerce. Sur la côte atlantique, où l’EIGSI est implantée, la compétition entre écoles d’ingénieurs s’intensifie. Depuis 2022, plusieurs établissements comme l’ESTACA, l’ECE, l’EFFREI, ELISA à Bordeaux, l’ESILV à Nantes, ou encore l’EPF à st-Nazaire, y ont ouvert un campus. “Les viviers historiques sont saturés et les étudiants se répartissent entre de nouvelles écoles, mais aussi vers de nouvelles formations le management ou le tourisme. L’ouverture relative des études de santé constitue aussi un facteur de concurrence. Il faut désormais « aller chercher des profils ailleurs” pour répondre aux besoins d’ingénieurs de nos entreprises, observe Jean-Michel Nicolle.

Dans le même temps, la montée en puissance des certifications RNCP de niveaux 6 et 7 bouscule l’attractivité du modèle de formation d’ingénieur que portent les écoles accréditées par la CTI . Plus courtes et professionnalisantes, mais aussi bien moins encadrées puisque le plus souvent non évaluées, ces formations séduisent pourtant une part croissante des candidats.

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Diversifier les profils et les parcours

Pour renforcer leur attractivité et diversifier leurs recrutements, certains établissements, à l’image de l’EIGSI, misent sur plusieurs leviers : ouvrir leurs concours à une plus grande diversité de profils, développer de nouvelles spécialisations susceptibles d’attirer des catégories d’étudiants et surtout d’étudiantes sous-représentées dans les formations d’ingénieurs. Pour maintenir son attractivité, l’EIGSI explore de nouveaux leviers :

  • diversifier les profils recrutés, quitte à renforcer leur accompagnement adapter les dispositifs pédagogiques ;
  • ouvrir des passerelles avec certaines formations certifiées RNCP dès lors que la comptabilité serait assurée, et pourquoi pas, avec un temps d’anticipation;
  • mieux valoriser les bachelors et réfléchir à la place de formations gradées licence pour des assistants-ingénieurs susceptible de mieux répondre aux besoins de l’industrie ;
  • développer enfin une véritable offre de VAE et des activités de formation continue ;
  • et pourquoi pas, externaliser des activités à l’international pour former des ingénieurs dans un cadre, bien sûr, d’accréditation par la Commission des titres d’ingénieur comme c’est déjà réalisée dans certains pays.

 

“Impact EIGSI 2026” : un nouveau cap pour une école en transformation

Dans un paysage concurrentiel en pleine mutation, les écoles d’ingénieurs à but non lucratif (EESPIG) comme l’EIGSI doivent repenser leur modèle pour rester attractives et pérennes. Parmi les pistes évoquées : une croissance multi-offre et multisite, des alliances stratégiques avec des établissements partageant les mêmes valeurs, une différenciation par la spécialisation, une ouverture accrue à l’international, ou encore des projets de rapprochement avec d’autres écoles.

C’est dans ce contexte que l’EIGSI déploie son nouveau plan stratégique, baptisé “Impact EIGSI 2026”, articulé autour de cinq grandes orientations.

1. Marque et identité : affirmer sa singularité

Réaffirmer la marque, son histoire et son projet éducatif : Connue notamment pour avoir diplômé la première femme ingénieure de France, l’EIGSI souhaite valoriser cette singularité à travers un nouveau logo et un nouveau slogan : ” Inventer un futur durable”. Cette refonte symbolise une volonté d’aligner son image sur les enjeux contemporains de durabilité et de transformation sociétale.

2. Territoire et intérêt général : ancrage local et label EESPIG

L’établissement consolide son ancrage territorial dans le bassin atlantique, tout en consolidant son engagement d’intérêt général via le label EESPIG. L’objectif : renforcer les liens avec les acteurs locaux et les entreprises du territoire, tout en contribuant à la dynamique économique et sociale régionale.

3. Attractivité et expérience étudiante : une école comme lieu de vie

L’EIGSI place désormais l’expérience étudiante au cœur de sa stratégie. Le dispositif global vise à accompagner chaque élève dans son parcours d’ingénieur : réussir, s’épanouir, s’affirmer, créer et entreprendre. “L’EIGSI doit devenir un lieu de vie qui contribue à la réalisation globale des jeunes : en créant de la motivation, de l’intérêt, à travers des expériences différenciantes ; tout ce qui contribue à la motivation des jeunes au sein de l’école.”
La sélectivité et la pédagogie restent les maîtres-mots, avec de nouveaux dispositifs de mentorat, de coaching entre pairs, et une prise en charge complète du projet étudiant.

4. Alliances et recherche : sécuriser l’avenir

L’école entend consolider son avenir à travers des partenariats stratégiques de haut niveau. Un rapprochement est déjà en cours avec Excelia, dans le cadre d’un comité de direction commun, tandis que les liens avec l’Université de La Rochelle et les écoles du réseau ISAE se renforcent. D’autres collaborations sont à l’étude avec des réseaux de grandes écoles d’ingénieurs publiques mais également des écoles associatives. L’objectif : mutualiser les forces, accroître la visibilité et développer une a recherche appliquée qui puisse être visible.

5. Durabilité et gouvernance : une école participative

Le plan prévoit également la réhabilitation d’un conseil de la vie étudiante, afin de mieux prendre en compte le vécu et les aspirations des élèves et les ’impliquer plus fortement dans la vie de l’école aux processus de décisions.

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Les Prépas intégrées en école d’ingénieurs

Féminiser les effectifs : une priorité stratégique de l’EIGSI

Avec un taux de féminisation de 30 %, inférieur à la moyenne nationale, l’EIGSI veut porter l’exigence d’attractivité des jeunes femmes pour les métiers d’ingénieure. C’est une cause qui est l’apanage de toutes nos écoles..

Dès 2026, deux initiatives phares verront le jour : un stage immersif pour lycéennes et une chaire ‘Leadership au féminin’, en partenariat avec Elles bougent, pour développer le coaching, la représentation en entreprise et la promotion des carrières scientifiques féminines. Ces actions traduisent une ambition claire : inspirer et accompagner la nouvelle génération d’ingénieures.

Nouvelles spécialisations et recrutements

L’EIGSI articule son offre autour de quatre grands enjeux sociétaux : Énergies et environnement, Bâtiments et travaux publics, Robotique et intelligence embarquée, Numérique, sécurité, intelligence artificielle et big data.

Neuf spécialisations remaniées seront ouvertes à la rentrée 2027, avec un recrutement dès septembre 2026. Pour accompagner ce développement, l’école prévoit un renforcement significatif de ses équipes pédagogiques, avec deux nouveaux enseignants-chercheurs venant s’ajouter aux vingt actuels et un investissement supérieur à 1M€ en nouveau équipements technologiques.

De nouveaux programmes pour accompagner la transformation

  • SPRINT EIGSI : un semestre intensif dès février, combinant accompagnement méthodologique, renforcement scientifique et transition vers la formation d’ingénieur généraliste.
  • Prépa internationale STI2D : ouverture à l’international dès le cycle préparatoire.
  • Master of Science European Technology : un programme 100 % en anglais destiné à attirer davantage d’étudiants internationaux.
  • DBA Med Tech – Management des technologies pour la santé : une formation à distance (en français, anglais et chinois), axée sur la recherche appliquée, les usages de l’IA et la transformation des pratiques médicales. “Nous avons trop peu d’étudiants ingénieurs qui poursuivent en thèse. Nous devons avoir la capacité d’accompagner financièrement les doctorants : 3 % des diplômés en thèse ces prochaines années.”, explique Jean-Michel Nicolle.

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Dans un contexte où la formation d’ingénieurs se recompose sous la pression des attentes sociétales, des transitions technologiques et des enjeux de recrutement, l’EIGSI choisit la voie de l’adaptation et de la différenciation.

En conjuguant ancrage territorial et ouverture internationale, innovation pédagogique et exigence scientifique, l’école affirme sa volonté de rester un acteur indépendant et engagé au service de l’intérêt général. Sa stratégie s’appuie sur un principe simple : faire de l’école un écosystème vivant, où les étudiants, les enseignants-chercheurs et les partenaires sont heureux de construire ensemble des trajectoires de sens et d’impact . Pour Jean-Michel Nicolle, l’avenir appartient aux écoles capables de porter une ambition collective en sachant respecter toutes les parties prenantes, d’être performantes en s’engageant dans une démarche qualité permanente, de faire preuve d’agilité organisationnelle pour s’adapter aux contraintes d’un environnement volatile, instable risqué, d’assurer un leadership rassurant par des prises de décision rapides, parfois courageuse et surtout de se focaliser sur l’essentiel, accompagner la réussite dans le respect d’une liberté pour chaque étudiant et étudiante de choisir son chemin professionnel.


Crédit : Valentine Dunyach / Légende : Jean-Michelle Nicolle, Directeur de l’EIGSI