Pour de nombreux étudiants, le lien entre leur formation et la recherche produite par l’établissement reste difficile à percevoir. À quoi sert-elle concrètement dans la salle de classe, en grande école de commerce ? En quoi irrigue-t-elle les programmes ? Pourquoi les enseignants-chercheurs sont-ils moteurs d’innovation ? Et comment cela se traduit-il concrètement ? Afin de répondre à toutes ces questions, nous avons rencontré Serge Da Motta Veiga, Directeur Général Adjoint de la faculté de NEOMA. L’objectif de cet entretien est d’éclairer à la fois le rôle de la recherche pour les décideurs et les entreprises, mais aussi de mieux la faire comprendre aux étudiants.
Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) À découvrir également, sur Thotis : (VIDÉO) Une journée avec un enseignant – chercheur et géologue ! (VIDÉO) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Serge Da Motta Veiga (NEOMA) En lien avec cet article : découvre notre page consacrée à NEOMA ! Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Comprendre le rôle de la recherche, avec le Pr. Jean-Pierre Helfer, Directeur de la recherche à Excelia ! Serge Da Motta Veiga (NEOMA) C’est pourquoi nous avons lancé les « Néo-matinées », des rencontres entre entreprises et chercheurs autour de problématiques concrètes. Ces échanges permettent aux deux mondes de se comprendre. Pour moi, c’est ainsi que NEOMA pourra se démarquer : non par la quantité de publications, mais par la capacité de sa recherche à produire un véritable impact. Serge Da Motta Veiga (NEOMA) Chez NEOMA, nous soutenons cette liberté. J’ai moi-même pris la parole sur LinkedIn, invitant des chercheurs étrangers menacés à rejoindre notre institution. Ce n’est pas un positionnement politique, mais bel et bien un engagement pour des valeurs. Crédit : NEOMA
Ce que la recherche apporte aux étudiants en école de commerce
Thotis : Pouvez-vous vous présenter brièvement, évoquer votre parcours et votre rôle au sein de NEOMA ?
Je suis Serge Da Motta Veiga, Directeur Général Adjoint de la faculté à NEOMA Business School. J’ai rejoint l’école il y a presque deux ans en tant que directeur de la recherche, avant de devenir DGA Faculté un an plus tard. Mon rôle consiste à gérer l’ensemble de la faculté, avec deux grands volets : l’enseignement et la recherche.
Thotis : Les étudiants qui intègrent une école de management ont parfois du mal à saisir l’intérêt de la recherche. Que leur répondez-vous ?
Ils ont raison de se poser la question. C’est probablement à nous de mieux faire passer le message. Toutes les disciplines s’appuient sur des théories issues de champs variés — philosophie, psychologie, littérature… La recherche donne aux étudiants les fondations nécessaires pour comprendre ces disciplines. Ensuite, c’est notre rôle d’établir le lien entre ces théories et le monde professionnel. Nous devons leur expliquer non seulement la théorie en tant que telle, mais aussi son application passée, présente et future dans le monde du travail.
Thotis : Pourquoi le lien entre recherche et enseignement semble-t-il plus difficile à établir en sciences de gestion qu’en médecine ou en santé, par exemple ?
Parce que les sciences de gestion englobent une multitude de disciplines. En médecine, les théories viennent majoritairement de la médecine. En gestion, les cours peuvent reposer sur des fondements en finance, sociologie, psychologie, marketing, etc. C’est une discipline fondamentalement pluridisciplinaire, ce qui implique une grande diversité de théories à transmettre. C’est donc à nous, enseignants, de montrer aux étudiants en quoi ces théories sont pertinentes et comment elles permettent de comprendre et anticiper les évolutions du monde professionnel.
Thotis : Historiquement, il existe parfois une opposition entre les enseignants-chercheurs et les enseignants issus du monde professionnel. Voyez-vous une complémentarité entre ces deux profils ?
Absolument, il existe une réelle complémentarité. À l’origine, les écoles de commerce étaient tournées vers l’entreprise, avec une forte connexion à l’industrie. Il y a environ 20 ans, l’accent a été mis sur la recherche académique. Mais cela a parfois entraîné une déconnexion. Depuis cinq ans, chez NEOMA, nous travaillons à retisser ce lien, notamment en encourageant les enseignants-chercheurs à dialoguer avec les entreprises. Pour nous, la recherche doit avoir un impact concret sur les étudiants bien sûr, mais aussi sur les entreprises. Lorsqu’on réunit ces trois acteurs -chercheurs, entreprises, étudiants-, on recrée du sens. Et cela se ressent en salle de classe, notamment quand des praticiens y interviennent.
Thotis : Concrètement, qu’apporte la recherche à l’enseignement en salle de cours ?
La recherche permet de développer des modèles -souvent issus d’approches scientifiques ou financières- qui ne naissent pas en entreprise, mais qui y sont ensuite appliqués. Les étudiants peuvent participer à leur développement, les tester, se former dessus, et ainsi devenir pionniers lorsqu’ils entrent dans le monde professionnel. À nous de traduire ces recherches en outils pédagogiques concrets. L’idée, c’est qu’un étudiant puisse dire : “J’ai appris à appliquer ce modèle, je peux maintenant l’utiliser dans n’importe quelle entreprise”
Thotis : Est-ce également un moyen de rester à jour sur les évolutions et les innovations ?
Bien sûr. La recherche évolue constamment, et nos cours doivent évoluer en parallèle. C’est essentiel.
Thotis : En tant que DGA de NEOMA, que mettez-vous en place pour renforcer le lien entre les étudiants et les enseignants-chercheurs ?
Nous avons élaboré un plan d’action pédagogique. Malgré un bon taux de satisfaction global, certains étudiants sont déçus par des cours qui ne sont pas assez actualisés. Ce plan vise à identifier les sources de ces insatisfactions et à renforcer la relation entre enseignants et étudiants. Il s’agit de mieux comprendre leurs attentes, de réactualiser les contenus, d’inviter des professionnels en cours… Bref, de reconnecter la pédagogie avec le monde réel. Contrairement à la prépa, qui ne vise pas cela, les grandes écoles doivent prolonger cet effort en intégrant pleinement la recherche à l’enseignement.
Thotis : NEOMA est reconnue pour ses innovations pédagogiques, comme les néo-pédagogies ou le campus virtuel. Quel rôle la recherche joue-t-elle dans cette dynamique ?
Nous souhaitons élargir la notion d’innovation pédagogique au-delà des outils technologiques. Innover, cela peut aussi être simplement questionner les étudiants sur leurs attentes, s’adapter à leurs besoins, faire le lien entre la recherche et le monde professionnel. Les étudiants sont une ressource précieuse pour améliorer nos cours, à condition de les écouter.
Nous développons bien sûr aussi des dispositifs techniques -comme un cas virtuel en gestion de crise nucléaire-, mais nous voulons surtout repenser la manière d’enseigner. Le « flipped classroom », par exemple, permet de redonner du pouvoir aux étudiants. Certains enseignants en ont peur, mais c’est un levier pour enrichir leur pédagogie et même leur recherche. Il ne faut pas sous-estimer l’envie des étudiants de participer à des projets de recherche.
Thotis : Comment initiez-vous les étudiants à la recherche à NEOMA ?
Nous disposons d’un laboratoire expérimental sur le campus de Rouen, où les étudiants peuvent participer aux études menées par les enseignants. Cela leur permet de comprendre concrètement les liens entre cours et recherche.
Nous encourageons aussi les enseignants à expliquer en quoi leurs recherches sont importantes pour eux-mêmes, pour les entreprises, pour les étudiants. En parallèle, nous souhaitons renforcer nos cours de méthodologie de la recherche, car la capacité à conduire une réflexion structurée est essentielle dans tous les métiers. Les étudiants arrivent avec une grande curiosité intellectuelle ; à nous de l’entretenir en grande école.
Thotis : La recherche contribue aux classements et aux accréditations. En quoi peut-elle également permettre à une école comme NEOMA de se différencier ?
Pendant des années, les indicateurs dominants étaient purement académiques : nombre de publications, qualité, citations. Mais ces critères ne parlent qu’aux chercheurs eux-mêmes. Chez NEOMA, nous croyons à une recherche à impact. C’est un projet collectif. La recherche doit toucher les parties prenantes de l’école : étudiants, entreprises, politiques publiques.
Thotis : Certains établissements se positionnent sur des sujets géopolitiques. Selon vous, la recherche doit-elle être un outil de communication, ou bien rester indépendante ?
Ma réponse tient en deux mots : liberté académique. Chaque chercheur doit pouvoir poursuivre ses travaux librement, qu’il s’agisse de RSE, de géopolitique, ou d’autres domaines sensibles.
Alors oui, nous ne prenons pas position en tant qu’institution partisane, mais nous ne restons pas silencieux sur les sujets de société qui touchent à la recherche et à la diversité.
