Le MESR redéfinit la reconnaissance des établissements en deux catégories, créant un agrément spécifique pour le privé.
« Nous aurons deux formes de reconnaissance » des établissements d’enseignement supérieur : l’une pour ceux « qui participent pleinement au service public de l’enseignement supérieur » et une autre pour « des établissements agréés », indique Philippe Baptiste le 13 mai 2025 lors d’un discours sur la régulation du supérieur privé. Seuls ces deux types d’établissements pourront être sur Parcoursup. Le HCERES est « naturellement l’autorité qui doit être l’outil d’évaluation pour l’ensemble » du dispositif. Un projet de loi pourrait voir le jour à la fin de l’été et l’accréditation sera désormais « globale ».
La responsabilité du ministère de l’ESR, « en complémentarité avec le ministère du Travail qui a naturellement l’œil sur l’insertion professionnelle en premier lieu », est de « mieux couvrir la question de la qualité de la formation », déclare Philippe Baptiste ministre de l’ESR le 13 mai 2025 lors d’un discours sur la régulation de l’enseignement supérieur privé, en présence d’acteurs du secteur et de la presse. Le ministre acte que l’émergence de l’enseignement supérieur privé n’est « pas simplement un effet d’aubaine » mais « traduit une réponse à des besoins réels exprimés par les familles, les étudiants et les territoires ». Cependant, cette croissance rapide et parfois insuffisamment encadrée a généré des difficultés, dont « une qualité inégale des formations ».
Sur la base de quatre principes – évaluation, reconnaissance, confiance et transparence, voir encadré –, le ministre annonce « deux formes de reconnaissance » :
– une reconnaissance « des établissements qui participent pleinement au service public de l’enseignement supérieur »
– et « des établissements agréés ».
À terme, seuls les établissements relevant des deux niveaux précités « seront autorisés à être sur Parcoursup », qui sera « le seul label, en termes de lisibilité pour les bacheliers comme pour les familles, de la qualité d’une formation ».
Plus tôt dans la journée, le ministre chargé de l’ESR avait notamment évoqué le sujet de la régulation du privé lucratif, lors d’une audition devant la commission des affaires économiques du Sénat.
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Quatre grands principes pour l’action du MESR
Une « évaluation rigoureuse et différenciée », fondée sur « des critères explicites et transparents », menée par des experts indépendants, et adaptée à la diversité des établissements et des formations, indique Philippe Baptiste. Elle « ne saurait être uniforme », mais doit « tenir compte des spécificités de chaque type d’établissement, de ses missions, de son histoire, de son environnement ».
Une reconnaissance par l’État « graduée », qui « ne peut être binaire ». Elle doit s’inscrire « dans un continuum, reflétant les différents niveaux d’engagement des établissements dans la mission de service public d’enseignement supérieur ». Elle implique « une réciprocité » : « plus un établissement s’engage dans des missions d’intérêt général, plus il bénéficie de prérogatives et de soutiens de l’État. »
Une confiance « progressive », qui « se construit dans la durée, sur la base d’engagements tenus et de résultats avérés ». Il faudrait passer « d’un contrôle a priori, souvent lourd et parfois inefficace, à un contrôle a posteriori, fondé sur l’évaluation des résultats et la responsabilisation des acteurs ». Cette confiance implique aussi « une simplification des procédures administratives pour les établissements qui ont démontré leur capacité à s’autoréguler efficacement ».
Une information transparente, qui est « un impératif éthique » pour l’action de « tous les établissements, quel que soit leur statut ». Cela passe aussi par une « comparaison objective entre les différentes offres de formation » et par « la fin des communications ambiguës ou trompeuses sur les reconnaissances officielles, les partenariats ou les débouchés ».
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Deux niveaux de reconnaissance
Le premier niveau de reconnaissance est celui du « service public de l’enseignement supérieur ». Le ministère conçoit un seul service de l’enseignement supérieur d’intérêt général, avec « des opérateurs divers » : publics (les universités et les écoles ou les classes préparatoires des lycées) et privés (qui concourent également à ce service public, « en développant des formations de qualité », au service public). Concrètement, le premier cercle comprendra « les établissements relevant du service public de l’enseignement supérieur : les universités et les établissements Eespig », indique le ministère.
Le deuxième niveau est celui des « établissements agréés », poursuit le ministre. Cela concernera les établissements privés d’enseignement supérieur qui « demandent une reconnaissance sans exercer l’ensemble des missions de l’enseignement supérieur public ». L’agrément serait un « prérequis pour qu’un établissement puisse présenter une formation dans Parcoursup ».
Ce nouvel agrément sera « ouvert à tout établissement, même s’il ne porte pas une formation aujourd’hui reconnue par le MESR, par le mécanisme du visa ou autre », explique Philippe Baptiste. « Il y voit « l’opportunité, pour de nombreux établissements, de se rapprocher du ministère dans des conditions de contrôle renforcées et avec un processus transparent ».
« Au-delà de ces deux cercles, se trouvent les établissements qui n’auront aucune reconnaissance spécifique du MESR. Ils sont néanmoins soumis à la régulation par Qualiopi pour l’accès aux fonds de l’apprentissage, garantissant ainsi un niveau minimal de qualité. » Les résultats d’un « travail conjoint » entre les ministres Philippe Baptiste, Élisabeth Borne et Astrid Panosyan-Bouvet pour faire évoluer la certification Qualiopi seront présentés « prochainement », indique aussi le ministre.
Quels critères pour l’agrément ?
Quels seront les critères de l’agrément délivré par le MESR après évaluation ? Dans le 2e cercle, où les attentes ne sont pas les mêmes que pour le 1er cercle, « ce que nous regarderons, c’est la politique de formation de l’établissement », indique l’entourage du ministre, lors d’un point presse organisé le 14 mai 2025. « Trois critères ne seront pas au cœur du référentiel pour l’agrément : la non lucrativité, l’adossement à la recherche, l’ouverture sociale », complète-t-il.
Autre question, à partir d’un exemple : l’Essec, qui est un Eespig, relèvera-t-elle du 1er cercle ; et HEC et ESCP, qui ne sont pas Eespig, se retrouveront-elles dans le 2e cercle ? L’entourage du ministre ne répond pas directement à cette question mais se place sur un plan plus général, indiquant que certaines écoles consulaires « ont vocation à être agréées car elles portent des formations reconnues par le ministère ».
Quel serait le calendrier ? Le ministre « propose que cette obligation se mette en place dès la rentrée 2027, avec trois ans de période transitoire pour que les établissements déjà présents sur la plateforme Parcoursup à cette date se mettent en conformité et obtiennent l’agrément ».
Accréditation globale et autonomie renforcée
Par ailleurs, il faut faire davantage confiance aux établissements universitaires, qui sont « l’objet des évaluations les plus exigeantes », indique le ministre. Ainsi, il « souhaite donner aux universités toute autonomie pour répondre aux enjeux auxquels elles sont confrontées : réindustrialisation, féminisation, territorialisation, égalité des chances, réussite en premier cycle et réorientation. » Il plaide pour « une accréditation globale en termes de formation, avec une évaluation ex post pour les formations et diplômes nouvellement créés », ce qui avait fait l’objet d’une communication en conseil des ministres.
De plus, selon le ministre, le HCERES est « naturellement l’autorité qui doit être l’outil d’évaluation pour l’ensemble [du dispositif]. Son expertise, son indépendance et sa connaissance approfondie de l’enseignement supérieur en font le garant naturel de la qualité des formations et des établissements ». Alors que le HCERES a été supprimé en séance publique, dans le cadre de l’examen du projet de loi « simplification de la vie économique », le ministère reste « attentif aux discussions parlementaires en cours sur le sujet ». Pour rappel, ce texte est toujours en cours d’examen à l’Assemblée. La prochaine étape sera celle de la CMP, qui n’est pas encore constituée.
Et que deviendront la CTI et la CEFDG, que le ministre n’a pas citées le 13 mai ? « Il n’y a pas d’implication directe pour elles. Ces organisations évaluent des formations », répond l’entourage du ministre.
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Un nouveau dispositif législatif
« Cette réforme profonde doit s’intégrer dans un cadre contractuel [les nouveaux COMP qui font l’objet d’une expérimentation en Nouvelle-Aquitaine et Paca] et législatif renouvelés ». Cette réforme doit aussi s’inscrire dans la loi, alors que « les propositions de loi qui traitaient de ce sujet n’ont pas été inscrites à l’ordre du jour » de l’Assemblée nationale, à savoir celles d’Emmanuel Grégoire et de Jean Laussucq, indique le ministre.
Le ministère souhaite « travailler avec toutes les parties prenantes pour préparer un dispositif législatif sur ce sujet à l’été ». Un courrier sera bientôt envoyé à France université, la CGE, la Cdefi, la CEFDG, 3Een vue d’une « concertation » d’environ un mois, précise l’entourage du ministre.
Le projet de loi gouvernemental issu de ces consultations pourrait créer « les modalités de reconnaissance de l’agrément, ainsi que les conditions d’évaluation de cet agrément », précise l’entourage du ministre. « Il faut un opérateur d’évaluation. Cela est organisé par la loi pour les Eespig, mais il n’y a rien pour le moment concernant l’agrément. Le HCERES ne peut pas, aujourd’hui, évaluer des établissements privés autres que les Eespig ». Par ailleurs, l’accréditation globale – « qui s’inscrit dans la suite logique de ce qu’avait institué la loi Fioraso en 2013, passant d’une de l’habilitation à l’accréditation » –, n’existe pas aujourd’hui dans la loi, explique aussi l’entourage du ministre.
Quelles sanctions pourraient être décidées ? À ce stade, deux hypothèses de travail sont à l’étude, répond l’entourage du ministre. « S’il y a un problème [après évaluation], l’accréditation pourrait être donnée de façon probatoire, l’agrément pourrait être retiré. Mais il faut regarder précisément cela d’un point de vue juridique. »
Cet article est une reprise de la Dépêche n° 731296 d’AEF Info.

Crédit : CNES / Philippe Baptiste