Le Black Friday, dont le terme est apparu dans la presse pour la première fois au début des années 50, littéralement Vendredi Noir, aussi appelé Vendredi Fou, suit la fête de Thanksgiving aux Etats-Unis (quatrième jeudi de novembre). Depuis plusieurs années, les associations écologistes et responsables le pointent du doigt, comme le jour de tous les excès et vices de consommation. Aujourd’hui, en France et un peu partout en Europe, des marques se réunissent en collectif pour faire front au Black Friday, et lutter contre cette surproduction et surconsommation massive. C’est ainsi qu’est né en France le mouvement Make Friday Green Again. Thotis s’est intéressé au phénomène.
Par Sacha Frimerman
Temps de lecture : 7 min
Quelques chiffres sur le Black Friday
Aux États-Unis, et partout dans le monde, le phénomène du Black Friday se propage à vitesse grand V. Les chiffres associés sont à chaque édition plus astronomiques que ceux de la précédente. On estime entre 60 et 70 milliards de dollars les dépenses durant le weekend du Black Friday… Un chiffre conséquent qui ne peut laisser indifférent.
Sur l’édition 2018, les ventes en ligne ont augmenté de 24% par rapport à l’année précédente, soit une hausse de de 6,2 mds de dollars US. Internet a accéléré et facilité les ventes. C’est encore plus simple de dénicher les bons plans du Black Friday en restant confortablement assis dans son canapé. Les ventes de smartphones ont pour la première fois dépassé la barre des 2mds. Le Cyber Monday, quant à lui, a engendré presque 8 mds de dépenses ; un record historique, largement susceptible d’être battu cette année. D’après les prévisions, les millennials s’apprêtent cette année à dépenser plus encore : 250$ en moyenne.
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En France, nous sommes encore bien loin de nos compères américains, mais les chiffres restent néanmoins très élevés pour une population 5 fois moins nombreuse. Pour le Black Friday, on prévoit environ 6 mds d’euros de dépenses dont 5 en magasin et 1 en ligne. Quand on sait qu’au moins 60% des Français ont des vêtements ou objets qu’ils n’utilisent jamais, on est en droit de remettre en question l’utilité du Black Friday…
« Posséder plus d’objets nous rend-il heureux ? Nous sommes déjà ensevelis sous le poids de nos possessions — nos armoires et nos placards débordent »
Green Friday
Depuis 2017, l’association Green Friday, à l’initiative du réseau Envie, subventionnée par la Mairie de Paris, encourage les entreprises françaises à renoncer au Black Friday, dans une démarche écologique et responsable. Cela fait sens, lorsqu’on sait qu’environ 500 millions de vêtements sont jetés chaque année en France. Cela ne fait que s’accentuer d’année en année, et l’impact du vendredi noir sur ce phénomène est non négligeable.
Ainsi, l’association encourage les marques à ne pas proposer de réductions mais surtout à reverser 10% de leur chiffre d’affaires de la journée à l’association HOP, qui lutte contre l’obsolescence programmée.
Découvrez l’association Green Friday ici
Make SMTHNG Week
De son côté, Greenpeace appelle à ne rien acheter, mais plutôt à utiliser la journée pour recycler les biens qu’on a laissés de côté. Pour l’organisation, le Black Friday est une « tache noire pour la planète ». Ainsi, elle précise « Posséder plus d’objets nous rend-il heureux ? Nous sommes déjà ensevelis sous le poids de nos possessions — nos armoires et nos placards débordent ». Elle lance en réponse la Make SMTHNG Week, qui prévoie des événements et manifestations dans 41 pays autour du globe – une belle initiative.
« Le but de cet engagement est, tout comme notre concept, de consommer moins mais consommer mieux. Nos vêtements de qualité, et notre concept permettent de créer plusieurs t-shirts à partir d’un seul. C’est donc logiquement que nous avons pris part à cette initiative ! »
Make Friday Green Again
Dernièrement, c’est l’entreprise de sneakers et streetwear chic/décontracté française Faguo, créée en 2008 par Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, qui a décidé de créer le mouvement Make Friday Green Again. A ce propos, les deux fondateurs s‘expriment à travers un court manifeste : « Le Black Friday rend précaires les emplois en ne rémunérant pas les fabricants, les marques et les magasins. Elle participe d’autre part au dérèglement climatique en encourageant la surproduction ». Lancé cette année, le mouvement réunit plus de 200 marques françaises, adhérant au projet et s’engageant à renoncer elles aussi au Black Friday. Parmi elles, Faguo, Nature & Découvertes, O Barber Shop, Adresse Paris, Tip Toe ou encore Remake Paris. Tout comme Greenpeace, le mouvement propose de faire le point sur nos possessions et de recycler nos vieilles affaires. Ce faisant, la marque s’engage encore davantage pour une consommation responsable.
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Nous avons contacté Paul Héquet, co-fondateur de la marque Remake Paris, qui produit des casquettes et des vêtements personnalisables, grâce à une bande de velcro à laquelle on ajoute des écussons brodés appelés « TiX ». Après un partenariat avec Faguo, la marque parisienne s’oriente elle aussi vers une consommation responsable et s’est jointe au Make Friday Green Again. Paul s’exprime sur les raisons de cette engagement : « Le but de cet engagement est, tout comme notre concept, de consommer moins mais consommer mieux. Nos vêtements de qualité, et notre concept permettent de créer plusieurs t-shirts à partir d’un seul modèle. C’est donc logiquement que nous avons pris part à cette initiative ! »
Le paradoxe du Black Friday
Comme nous l’avons dit précédemment, le Black Friday du lendemain de Thanksgiving aux États-Unis. C’est un jour particulièrement intense pour les commerçants et consommateurs. Il est souvent synonyme de frénésie et scènes de liesse dans les magasins pratiquant à l’occasion, des prix extrêmement intéressants. C’est très paradoxale de voir le Black Friday juste après Thanksgiving. En effet, traditionnellement aux USA, cette fête est un jour de grâce, de remerciements, de partage et de communion avec ceux qui nous entourent. On célèbre la valeur des choses ; le lendemain, on la dénigre. On s’abandonne à cette folie consommatrice, et surtout dévastatrice.
Les estimations sont autour des 15 à 20 mds de dollars pour les ventes réalisées durant ce vendredi noir, qui s’est répandu partout dans le monde. Désormais, on célèbre la consommation à outrance, presque religieusement. Les industries textiles et électroniques sont les plus rentables durant cette journée. Il faut rappeler que l’industrie de la mode est la 2e plus polluante après celle du pétrole. Celle de l’électronique a souvent besoin de minerais rares pour produire, dont l’extraction se fait dans des conditions difficiles, polluantes et meurtrières pour les populations qui sont exploitées.
« Le Black Friday rend précaires les emplois en ne rémunérant pas les fabricants, les marques et les magasins. Elle participe d’autre part au dérèglement climatique en encourageant la surproduction »
De plus, le Black Friday s’étend en réalité sur plusieurs jours, tout un weekend. Ce dernier commence donc par Thanksgiving, continue avec le Black Friday, se prolonge durant le weekend, et s’achève le lundi avec le Cyber Monday. Des offres encore plus attractives y sont proposées pour écouler les stocks, et maintenir la même furie consommatrice.
Thanksgiving ? Pas si pieux au final…