L’École de la 2e Chance, ou E2C, offre une formation et un accompagnement individualisé aux jeunes âgés de 16 à 25 éloignés de l’emploi, souhaitant construire leur projet professionnel, mais éprouvant des difficultés pour le réaliser. Sonia Ciccione, directrice générale de l’École de la 2e Chance de Marseille et première vice-présidente du Réseau des Écoles de la 2e Chance en France, répond à nos questions.

Par Laura

 

L’École de la 2e Chance, ou E2C

Sonia Ciccione travaille depuis maintenant 12 ans dans l’École de la 2e Chance de Marseille. Elle en est depuis 5 ans la directrice générale, mais aussi première vice-présidente du réseau E2C dans son ensemble. Issue d’une formation d’école de commerce, elle intègre l’E2C en 2010 dans un souci d’utilité sociale et une envie de tendre la main aux jeunes en difficulté.

 

Bonjour Madame Ciccione. Pouvez-vous nous présenter le réseau des Ecoles de la 2e Chance (E2C), ses principes fondamentaux et son histoire ?

L’initiative des Écoles de la 2e Chance a émergé en 1995, portée par Édith Cresson et se basant sur les principes d’un Livre blanc intitulé « Enseigner et apprendre : vers la société cognitive », qui présentait des propositions pour lutter contre l’exclusion et œuvrer en faveur de la formation continue. Les Écoles de la 2e Chance s’adressent aux jeunes qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas pu trouver leur place dans le système d’éducation scolaire classique, et qui rencontrent à cause de cela des difficultés pour leur intégration sociale, citoyenne et professionnelle durable. Le projet pilote a vu le jour à Marseille, en 1997 : c’était la première École de la 2e Chance en France mais aussi en Europe. Le projet de l’école a commencé à se structurer vers 1998, avec un total de 10 écoles ouvertes entre 1997 et les années 2000. La création du réseau pour les écoles est venue de l’idée qu’il fallait fédérer les différentes écoles, en créant une association, pour s’assurer que partout on adhérerait aux mêmes principes et aux mêmes valeurs. Ces valeurs, portées par le Livre blanc et reprises par le réseau, sont au nombre de 3 :

  1.  Faire plus pour tenir compte de la situation sociale et le sentiment d’exclusion des jeunes,
  2. Associer des entreprises à l’effort de formation, et ce dès le départ,
  3. Utiliser des pédagogies actives, c’est-à-dire ne pas reproduire des schémas d’éducation qui n’avaient pas convenu aux jeunes concernés par la formation.

En 2021, à l’échelle du réseau national dans son ensemble, on comptait un total de 15 268 stagiaires accueillis. Ils avaient en moyenne 20 ans, et nous avons constaté un taux record de situation positives s’élevant à 64% ; et correspondant à des sorties vers l’emploi (contrat d’une durée de plus de 2 mois), vers de l’alternance ou bien encore vers une formation qualifiante/diplômante.

 

Quel est le profil des stagiaires accueillis en E2C ? Combien de stagiaires environ sont pris en charge par année ?

Environ 15 000 jeunes sont accueillis chaque année. Nous comptons aujourd’hui 139 sites-Écoles répartis dans 12 régions, 63 départements et 5 territoires ultra-marins et nous continuons d’appuyer le développement de nouvelles E2C sur l’ensemble du territoire. L’âge moyen des stagiaires est de 20 ans, avec un une répartition homogène entre hommes et femmes : en 2021, 47 % de nos stagiaires étaient des femmes. On comptait également 89 % des stagiaires n’ayant aucune expérience professionnelle, 24 % de mineurs, et 91 % de niveaux dits « infra 3 », c’est-à-dire ne pouvant valoriser un diplôme équivalent au CAP ou au BEP.

La grande nouveauté dans les profils, c’est que depuis juin dernier, l’E2C est ouverte aux bacheliers ou niveau équivalent éloignés de l’emploi. Avant, le dispositif E2C s’adressait aux jeunes n’ayant aucune qualification, mis à part le brevet des collèges. Les pouvoirs publics se sont rendus compte qu’aujourd’hui, même avec un BEP, CAP ou baccalauréat, si l’orientation ou le domaine suivi ne correspondent pas au secteur d’activité dans lequel on a envie d’exercer, sans expérience et avec parfois des problèmes familiaux, les jeunes sont perdus et décrochent. Ils ont besoin d’un réel accompagnement que le dispositif E2C est à même de leur apporter.

 

Pour en savoir plus : le site officiel

 

 

Quel accompagnement professionnel, mais aussi social l’E2C propose-t-elle pour les stagiaires ?

L’une des particularités de l’E2C, c’est que les entrées et sorties ont lieu toute l’année. On ne fonctionne pas comme un système scolaire classique avec un calendrier fixe, car on a des rentrées tout le long de l’année, avec un rythme qui varie selon les écoles, leur taille, leur emplacement… À Marseille, par exemple, on a une rentrée toutes les deux semaines, mais cela peut se passer une fois par mois, ou au fil de l’eau. Les stagiaires viennent quand ils en ont besoin.

La durée d’un parcours est toujours individualisée en fonction du stagiaire et de ses besoins. Certains arrivent avec déjà un projet en tête, d’autres ont besoin de le définir entièrement.. Il faut aussi prendre le temps de mesurer les difficultés et les capacités de chaque stagiaire, pour l’accompagner de la meilleure façon. Parfois, ils ont juste besoin d’un petit coup de pouce pour trouver quelques stages, et parfois il y a besoin de plus de temps et d’un accompagnement plus poussé. La durée moyenne d’un parcours en E2C est d’environ 6 mois.

Le parcours en E2C démarre toujours par une période de diagnostic et d’intégration, qui dure en général entre 4 et 6 semaines. Pendant cette période, on évalue les attentes et les besoins du stagiaire, on dresse un diagnostic complet de ses compétences, on lui fait passer des tests de positionnement, etc. L’objectif est de définir les modalités d’accompagnement appropriées et de cibler les besoins et compétences à travailler.

Ensuite, le parcours en lui-même se fait en alternance, avec des périodes à l’E2C et des périodes en entreprise. La place de l’entreprise et la mise en situation professionnelle sont au cœur de la démarche E2C. Les stages durent entre 2 et 3 semaines en général, et pendant les périodes à l’E2C, le stagiaire bénéficie d’une pédagogie individualisée reposant sur l’Approche Par Compétences (APC) permettant à chacun de valoriser et développer capacités et apprentissages autour de 9 grands domaines de compétences. L’approche projet développée en E2C permet également aux stagiaires de renforcer des « soft skills », et de s’inscrire dans des initiatives culturelles et citoyennes. A l’E2C, nous sommes convaincus que c’est en travaillant de manière conjointe sur les domaines sociaux, citoyens et professionnels qu’on peut favoriser l’insertion durable des stagiaires. Les « cours » prennent la forme de séquences de formations ou d’ateliers en petits groupes, avec au maximum une quinzaine de stagiaires, qui travaillent ensemble sur des cas concrets ou qui mettent en place eux-mêmes des projets pour travailler les compétences concernées. À titre d’exemple, récemment, des stagiaires ont pu se rendre à une exposition consacrée aux travaux et cartes postales de Jean Giono, au Mucem de Marseille. De retour à l’école, les stagiaires ont travaillé sur des exercices de rédaction à la manière de Giono : le projet leur a donc permis à la fois une ouverture sur la culture, la mobilité dans leur ville, et un travail sur leurs compétences de communication à l’écrit.

Il faut noter que le projet E2C est transversal : on propose un accompagnement sur toutes les difficultés périphériques, pas seulement une formation professionnelle. Nous travaillons avec des partenaires qui peuvent assurer un suivi des stagiaires en plus du suivi de l’école, sur des questions de logement, d’assistance sociale, etc.

 

A l’échelle de l’ensemble des E2C, nous recensons environ 1200 formateurs, avec en moyenne 1 encadrant pour 8 à 12 stagiaires. Le profil des encadrants varie : on a des formateurs, qui accompagnent les jeunes dans leur apprentissage, des chargés de relations entreprises qui s’occupent du lien stagiaire-entreprise. Les deux sont souvent aussi référents : quand un jeune rentre dans un dispositif, un référent lui est dédié, avec un suivi personnel de son parcours professionnel et si besoin social.

 

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Quel suivi pour les stagiaires ayant terminé leur formation à l’E2C ?

Une fois le stagiaire sorti de la formation, son histoire n’est pas finie puisque nous l’accompagnons pendant un an à l’issue de son parcours chez nous.. C’est une caractéristique forte du dispositif E2C. Nous prenons contact avec l’ex-stagiaire au minimum 1 fois par trimestre, pour vérifier si tout se déroule au mieux : pour ceux qui ont trouvé un emploi à la sortie, est-ce que cela se passe bien, pour ceux qui sont sortis avec un CDD ou une situation un peu moins stable, comment les choses évoluent… On peut également leur proposer de revenir pour travailler sur leur CV, on leur communique des offres d’emploi, etc.

Il n’existe pas vraiment de réseau des alumni, en tout cas pas à Marseille, car les rentrées et sorties ont lieu en continu, il est difficile de créer un corpus de promo. En revanche, les stagiaires développent souvent un sentiment très fort d’attachement à l’école et aux référents. Nous avons des liens importants avec nos anciens stagiaires qui reviennent parfois pour partager une bonne nouvelle, ou qui ont besoin d’aide, et nous sommes là pour eux.

 

Quelle est la réponse des entreprises au dispositif E2C ?

 

Beaucoup d’entreprises sont prêtes à jouer le jeu et c’est vraiment l’une des forces de l’E2C. Sans la présence et le soutien des entreprises, le dispositif ne pourrait pas fonctionner. De plus en plus d’entreprises acceptent d’accueillir des stagiaires. Le suivi et l’accompagnement qu’apporte l’E2C conjugués à la motivation et à l’implication des jeunes les rassurent. Cela crée une relation de confiance et une dynamique très positive.

 

 

Quels développements sont à prévoir pour le réseau des Écoles de la 2e Chance ?

Notre dispositif mérite que l’on continue de le faire connaître, pour offrir à encore plus de jeunes une égalité d’accès et de droits à une deuxième chance. Dans ce sens, nous continuons d’encourager et d’appuyer le développement d’E2C là où il y en a besoin et sur tout le territoire. Nous avons notamment pour projet d’ouvrir une école au Mans, et un deuxième site pour l’école de Nice.. Il y a également des études en cours pour la Haute-Vienne, la Creuse et Châteauroux.

La mission et objectif donnés par l’E2C nous donnent une bonne raison de nous lever chaque matin, et voir des jeunes progresser, s’ouvrir pour prendre confiance en eux, en leurs capacités, et réussir est particulièrement gratifiant.

 

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