Depuis le 20 janvier, les élèves de terminale et les étudiants en réorientation sont invités à formuler leurs vœux sur Parcoursup. Après avoir infiltré la plateforme pendant deux semaines, nous avons noté que des informations incomplètes étaient délivrées aux candidats. La procédure reste complexe et ne prend pas suffisamment en compte la sélectivité des licences universitaires.
Nous proposons 4 pistes d’amélioration.
Par Thibaud Arnoult
Temps de lecture : 5 min
Une procédure trop complexe
Vœux, vœux multiples, sous-vœux, formations sélectives, non sélectives : autant de mots qui reflètent la complexité de Parcoursup. Dans les communications officielles, cela paraît pourtant simple : 10 vœux à formuler, et pour les formations sélectives, une possibilité d’augmenter ses chances avec les sous-vœux.
Mais en réalité, le système des sous vœux est extrêmement complexe, avec des spécificités pour de nombreuses formations. Dans le domaine de la santé, de nombreux cursus ont un système de vœux particulier et cela ne facilite pas la tâche aux candidats. Prenons trois exemples.
– Si vous souhaitez vous orienter vers les soins infirmiers, vous pouvez formuler “que” 5 vœux. À noter que les instituts de formation sont regroupés au niveau des universités. Donc pour 1 vœu, vous pouvez postuler à tous les établissements de cette université.
– Si vous souhaitez vous orienter vers les études de psychomotricité, là, ça dépend : certains instituts ne sont pas regroupés au niveau territorial, d’autres oui. Dans certains cas, un établissement équivaut à un vœu. Parfois il y a un système de vœux multiples.
– Si vous souhaitez vous orienter vers l’ergothérapie, il n’y a aucun regroupement territorial. C’est donc 1 vœu par institut.
Il n’est pas évident de comprendre le nombre de vœux/sous-vœux que l’on peut formuler sur Parcoursup. Cette procédure complexe met en difficulté de nombreux candidats.
Notre vidéo pour bien comprendre Parcoursup :
Une mauvaise communication ?
Pour rappel, sur Parcoursup, il existe deux types de formations. Les formations non-sélectives (licence), non éligibles aux sous-vœux, et les formations sélectives (BUT, BTS, CPGE, etc.), éligibles aux sous-vœux. Si vous souhaitez postuler dans 3 licences d’Économie Gestion, cela vous coûtera donc 3 vœux, sur les 10 autorisés par Parcoursup. En revanche, si vous souhaitez postuler en BUT GEA (formation sélective), pour un seul vœu, vous allez pouvoir mettre 10 sous-vœux, qui correspondront à 10 établissements.
Depuis le 20 janvier, des centaines de lycéens nous ont assuré que leurs professeurs n’étaient pas au courant de la différence entre vœux et sous vœux. Ils sont des milliers à nous avoir signifié leur angoisse.
Pour établir un constat un peu plus global, nous avons réalisé une petite série de questionnaires : 3 594 lycéens et étudiants ont accepté d’y répondre. Si ces questionnaires sont à prendre à titre indicatif, les chiffres sont tout de même inquiétants : 81% se disent stressés et angoissés par Parcoursup. 71% affirment que l’accompagnement de leur lycée et des différents services publics ne sont pas convaincants.
Notre page dédiée à Parcoursup :
Parcoursup 2021 : vœux, sous-vœux, formations sélectives et dates
Les candidats mal conseillés sur Parcoursup
Quand un candidat formule un vœu sur Parcoursup, il lui est proposé une liste de « formations similaires ». Cela doit permettre aux lycéens de visualiser les formations en lien avec la discipline de leur demande initiale. Cependant, les propositions sont souvent très incomplètes, et n’affichent pas les cursus dont les débouchés sont similaires.
Ce manque de précision et d’exhaustivité est grave car cette liste constitue le seul indicateur permettant aux candidats de visualiser de manière globale les formations en lien avec leurs vœux.
Par exemple, lorsqu’un candidat souhaite postuler en licence Droit, Parcoursup lui propose des vœux dans des licences dîtes “similaires”. Une liste déroulante affiche alors la licence AES, la licence Psychologie, et même le Diplôme d’État Infirmier ! Mais, Parcoursup omet complètement des formations en lien avec le domaine juridique, avec des matières et débouchés similaires à la licence Droit. Dans ce cas précis, la plateforme aurait dû proposer aux candidats de formuler des vœux en BUT Carrières Juridiques, en BTS Notariat, en Double Licence ou en Classe Préparatoire D1. En effet, ces cursus sont axés sur le domaine juridique et permettent une poursuite d’études dans le domaine du droit.
Autre exemple : lorsqu’un lycéen souhaite intégrer une école d’architecture, Parcoursup ne propose pas les formations qui permettent des passerelles avec les études d’architecture. Si un lycéen est refusé sur Parcoursup dans les écoles d’architecture, il aura tout de même la possibilité d’intégrer une école en 2e et 3e année, à condition que son cursus soit en lien avec le domaine. Dans ce cas précis, Parcoursup aurait dû proposer le BUT Génie Civil, le BTS ERA et le BTS Travaux Publics. Dans la communauté Thotis, nous avons des exemples d’étudiants qui ont intégré une école d’architecture après ces formations. Quelle est la cohérence de proposer la licence psychologie quand on souhaite devenir architecte ?
Ce sera encore le cas cette année : de nombreux lycéens formuleront des vœux sans avoir connaissance de toutes les formations qui pourraient les intéresser. Parcoursup échoue dans sa capacité à proposer des formations dites “similaires” pertinentes aux candidats.
Les licences sont plus sélectives que les classes préparatoires
Comme expliqué précédemment, les licences sont considérées comme non sélectives. Par conséquent, elles ne sont pas éligibles aux sous-vœux. Or, selon les données auxquelles nous avons eu accès sur Parcoursup, beaucoup de licences sont devenues très sélectives. Dans certains cas, la sélectivité est même plus forte en licence qu’en classe préparatoire. Voici quelques exemples marquants :
Pour les formations classées comme “non sélectives” sur Parcoursup :
À l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,
– En licence Science Politique, seuls 7% des candidats en 2020 ont reçu une proposition d’admission.
– En licence Droit, seuls 20% des candidats en 2020 ont eu une proposition d’admission.
À l’Université Paris 8 (Saint Denis),
– En licence Économie Gestion, seuls 35% des candidats en 2020 ont reçu une proposition d’admission.
À l’Université d’Angers (49),
– En licence Psychologie, seuls 33% des candidats en 2020 ont reçu une proposition d’admission.
– En licence Droit, seuls 54% des candidats en 2020 ont reçu une proposition d’admission.
Pour les formations classées comme “sélectives” sur Parcoursup :
À titre de comparaison,
– En 2020, 34% des candidats en Prépa PCSI au lycée Chaptal à Paris ont reçu une proposition d’admission.
– En 2020, 44% des candidats en Prépa A/L au lycée Fénelon à Paris ont reçu une proposition d’admission.
Où passent tous ces candidats qui ne reçoivent pas de proposition d’admission dans les formations de leurs choix ? Pourquoi les licences ne sont-elles pas considérées comme des formations sélectives ? Pourquoi les candidats doivent-ils se limiter à 10 vœux en licence, ce qui réduit fortement leurs chances ?
Il serait logique de rendre toutes ces licences éligibles aux sous-vœux. En effet, si un candidat souhaite s’orienter vers le droit ou la psychologie en région parisienne, la très grande majorité des formations proposées ont des taux d’accès très faibles. De fait, avec 10 vœux et sans la possibilité de placer des sous-vœux, on est très vite limité.
Parcoursup : une mauvaise classification des formations
Depuis plusieurs années, le Ministère de l’enseignement supérieur classe les formations de l’enseignement supérieur en deux catégories : les formations sélectives et non sélectives. Cela n’a pas vraiment de sens car comme expliqué plus haut, la majorité des formations universitaires sont devenues (très) sélectives. Il serait selon nous plus judicieux de classer les formations de l’enseignement supérieur dans les deux catégories suivantes : les formations restrictives et les formations non restrictives. Explications.
Les formations non restrictives seraient les formations qui ne ferment pas de portes en termes de débouchés. Par exemple, si vous êtes refusés en BUT GEA, vous pourrez tout de même envisager un BTS CI, une licence AES ou une prépa ECG. Bref, vous aurez encore des chances de vous orienter vers la gestion, le management ou les sciences sociales. De votre admissibilité Parcoursup, votre carrière professionnelle ne sera pas nécessairement impactée.
Les formations restrictives sont les formations pour lesquelles, si vous êtes refusés sur Parcoursup, vous n’aurez plus aucune chance (ou presque) d’intégrer la formation souhaitée, et d’envisager une carrière dans ce domaine précis. Par exemple, il n’existe pas de passerelles pour les centres de formation en orthophonie. Donc si vous êtes depuis tout petit intéressé voire passionné par l’orthophonie et qu’à l’âge de 17 ans, vous êtes refusé sur Parcoursup, vous n’aurez pas d’autres moyens que de recandidater l’année d’après sans certitude d’une meilleure réussite. Certains nous contactent, désespérés, quand ils candidatent pour la 5e fois dans une formation qui constitue la seule voie possible pour réaliser leur projet professionnel.
Voici 4 pistes d’amélioration sur la plateforme :
1- Uniformiser la procédure : toutes les formations doivent être éligibles aux sous-vœux.
2- Réaliser un audit global des passerelles possibles et un meilleur accompagnement vers les « formations similaires ».
3- Pour les filières restrictives (orthophonie, STAPS, etc.), offrir la possibilité de demander « une garantie », c’est à dire une place parmi les 10 sous-vœux en liste d’attente.
4- Pour plus de transparence, publier de manière anonyme une partie du dossier des derniers admis l’année précédente pour donner une idée du niveau académique/global attendu.
Nous avons décidé de publier 5 des 1365 témoignages que nous avons reçus :
« Très difficile de comprendre le site et toutes ses modalités »
« C’est la 4e année que je me réinscris car j’ai été refusé les 3 années précédentes. J’espère que cette année sera la bonne »
« Nous ne sommes pas accompagnés et le nombre de procédures reste flou »
« Aucun suivi de mon professeur principal. Aucun conseil »
« Je me demande si quelqu’un comprend cette procédure. J’ai fait des salons étudiants et beaucoup m’ont donné de mauvaises informations sur les voeux en IFSI. »